DANIELLE LUQUET DE SAINT GERMAIN: WILD CHIC

Le 17 mars, Danielle Luquet de Saint Germain dévoilera de nouveau à la vente chez Drouot un pan de sa collection Haute Couture avec des ensembles d'exception à l'image d'un manteau Roméo Gigli parsemé de brocart et de fils d'or estimé entre 1800 et 2500 euros. À cette occasion retour sur les pas de l'iconique muse à travers un portrait dressé dans STILETTO Automne 2013 pour sa première vente.

Intensément rousse depuis toujours. Avec des gestes. Une allure. Des bracelets qui font du bruit. Ce n’est rien de dire que Danielle Luquet de Saint Germain est la femme saharienne. Yves Saint Laurent a créé la première sur elle, lacée sur la poitrine. Comme il a créé le smoking bermuda de grain de poudre et sa blouse de cigaline sur son corps d’éphèbe, ses épaules carrées, ses longues jambes qui se déplient, télescopiques, sous des bottes de daim dune. Avec elle, c’est tout de suite ou jamais, semble dire son regard, qui vous découpe au laser. Deux fois mère et divorcée deux fois, Danielle Luquet de Saint Germain a vécu plusieurs vies, mais n’en reste la prisonnière d’aucune. Ses mensurations : 10 000 pièces de haute couture et de prêt-à-porter, un dressing qui a longtemps fl irté avec les 500 m², un rêve éveillé aux couleurs d’une passion. « J’aime le vêtement pour sa construction. Le porter, c’est accessoire », avoue cette Lyonnaise issue d’une famille de cinq enfants, et dont la mère ne sortait jamais sans chapeau. Dans ses souvenirs autant que dans ses gestes, l’histoire de la mode, entre les années soixante et 2000, se déploie en live. La see through dress en mousseline noire d’Yves Saint Laurent, qu’elle avait confi ée pour restauration, « plume par plume », à Hector Pascual, à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent (estimée entre 13 000 et 15 000 euros), constitue la clé de voûte d’une histoire irréductible à un inventaire. « Je portais des pantalons et des bérets. Rue Spontini, on m’a fait enfiler une robe haute couture qui ne m’allait pas. Quand je me suis présentée devant Monsieur Saint Laurent, il a dit ‘’Elle est parfaite, il faut juste qu’elle perde un peu de poids’’. »

« L’anti Mouna Ayoub »
Entrée en 1966, elle quittera les années Rive Gauche, avant de travailler aux côtés de Marc Bohan chez Dior. Autre ambiance, lissée par les petits manteaux et les robes de mousseline couleur sorbet. Présentée à Mademoiselle par Lilou Marquand, la belle rencontre en 1969 Gabrielle Chanel qui, de son sofa rue Cambon, lui lance : « Vous êtes très bien, mais vous avez les cheveux trop rouges. » En 2013, les souvenirs défi lent, sans nostalgie. « Je n’ai plus envie d’être regardable », affi rme la muse et collectionneuse repentie, qui pouvait passer une heure à ajuster une plume ou un calot assorti à sa robe Picasso : « Genève est une ville de calvinistes. On me prendrait pour un animal préhistorique. » Et pour cause : « Rien ne me faisait peur. Je n’avais aucune appréhension. » Aucune, sauf le bon ton qui plombe et l’ennui des conventions. Elle ne peut se faire au culte des it-bags. « Je n’avais que des pochettes. L’avantage c’est qu’elles ne détériorent pas la silhouette d’un créateur. » En témoigne cette collection admirable en tous points, ou chaque modèle révèle son lot d’atours, gants de satin gris et escarpins de soie assortis pour un ensemble créé par Claude Montana pour Lanvin.

Les nuits sculptées
« Elle a les plus beaux Montana », souffl e Olivier Saillard, conservateur du musée Galliera. Danielle Luquet de Saint Germain, qui a longtemps voyagé avec une dizaine de valises en bois, se définit comme « l’anti Mouna Ayoub ». Elle déteste les broderies. Leur préférant la ligne sèche et nerveuse des cols relevés, la rigueur des volumes, le porté taille haute, les jupes soucoupes et autres vestes en gazar changeant, aux couleurs de pierres précieuses et de glaciers
lointains offerts à ses « nuits sculptées » d’hier. Des nuits d’or et de passion signées à l’encre du désir. À Genève, DLSG marche un minimum de deux heures par jour. Et se maquille pour descendre en ville. Sa discipline ? « Rester le plus impeccable possible. » « Rester rousse ? Je n’ai pas encore pris de décision. Mais il faudra bien un jour en prendre une. » L.B

ovv-grosdelettrez18-03-2014montana-manteau-en-drap-vert-pomme.jpg Manteaux en drap, Claude Montana

ovv-grosdelettrez18-03-2014gaulthier-veste-longue-en-gaazar-marron.jpg Veste longue en gaazar de soie, Jean Paul Gaultier

ovv-grosdelettrez18-03-2014ensemble-ysl-veste-et-jupe.jpg Veste et jupe en cuir rebrodées de pierres semi-précieuses, Yves Saint Laurent