DRIES VAN NOTEN, SINGULIEREMENT UNIVERSEL

Dries van noten

Rythmes, lignes, couleurs. Il en fallait, de l'énergie pour longer ce parterre de pluie et de béton, dans le froid glacé de Bercy. Le monde semblait soudain si gris. A l'intérieur de la salle, Dries Van Noten a comme rendu à la lumière son éclat: centième défilé donc, pour ce qui nous apparait d'abord comme une leçon d'humanisme. Tout part du caractère, d'une confiance, d'une souveraineté dans l'allure que ces pantalons taille haute, ces chemises blanches masculines finement rehaussées d'une combinaison en trompe l'oeil, ces grands manteaux imprimés de motifs abstraits, révèlent, en majesté.  Poiret, Van Doesburg, Sonia Delaunay, Sophie Tauber-Arp, le Bahaus et la sécession viennoise, Klimt et Malevitch, Perriand, les références défilent en pagaille, mais se fondent admirablement, maîtrisées par un sens de la coupe, un esprit tailleur éclairé par l'école du Nord, cette retenue dans la générosité, cette géométrie qui n'est jamais sèche, tant elle flirte avec l'opulence des mélanges, un beau moelleux, fondant, le jardin épicurien des délices tissés flamands.  Dries Van Noten, comme la permanence en mouvement, en marge de toutes les silhouettes des podiums faites pour affoler la planète snapshat.  Dries Van Noten ou le défi européen à toutes les obsolescences programmées. Et puis un amour des belles étoffes que ces vestes d'homme portées avec des robes de soie néo Pina Bausch, exaltent d'une manière si contemporaine, juste, sur ces femmes rendues à leur vérité, ex tops à peine "glowées", magnifiques dans ces atours que n'auraient pas renié Peter Lindbergh ou Paolo Roversi: Kirsten Owens, Nadja Auerman,  elles défient elles aussi l'urgence du temps qui s'accélère, de la retouche obligatoire. Au lieu de quoi, la vie se déploie, dans l'ampleur de ces manteaux cocons, ces jeans affolants d'élégance, ces longues jupes de soie frôlant des souliers masculin.  Dans la lignée du Tango Magic City de Sonia Delaunay, les mouvements hélicoïdaux contrastent avec la rectitude des lignes, cette palette de sensations qui redonne faim à la mode, et la retrouve là où Yohji Yamamoto, Helmut Lang, Martin Margiela, Alber Elbaz l'ont laissée: plus près d'un vrai public que d'une somme d'anonyme followers.  Apollinaire parlait de la "danse serpentine" , "ces lumières successives où se mêlaient la peinture, la danse et la grâce". N'est ce pas ce qu'on ressent ici? Kristina de Coninck, Malgosia Bela, Hannelore Kluts, Caroline de Maigret et les autres n'ont jamais semblé aussi belles qu'en ces atours et cette palette d'imprimés remixés d'une main de maîntre. Bravissimo.