Annie Schneider: Madame paulette, l’oeil et l’extravagance

Annie Schneider rend hommage depuis toujours à l'artisanat français. Son dernier ouvrage préfacé par Stephen Jones, "Les chapeaux de Madame Paulette", révèle la personnalité de Pauline De la Bruyère, modiste créative qui a su conquérir son époque avec "rigueur et audace ».

D'où vous vient votre passion pour l'artisanat?
Lors de mes rencontres avec des artisans. J'ai été touchée de voir la précision, la subtilité de leurs gestes pour finir des objets merveilleux. Je me suis lancée dans un premier temps avec l'émission "Le génie français" sur France 5 dans laquelle Catherine Deneuve préfaçait chacun des épisodes, puis dans un second temps en écrivant des livres dédiés à tous ces gestes.

Pourquoi un livre sur ce personnage qu'est Madame Paulette?
Je vis actuellement avec son fils. J'étais intriguée par ce personnage à la fois si familier et mystérieux. On sait très peu de choses sur sa profession alors qu'elle a particulièrement influencé son époque.

Quelle fut cette influence?
Elle avait l'oeil et l'extravagance et comprenait chacune des décennies traversée avec la même ouverture d'esprit à l'image du turban qu'elle réinventa dans les années 40 dont le drapé dégage le front. Son oeuvre était multiculturelle: elle a travaillé pour le théâtre avec Christian Bérard, pour des grandes stars internationales telles que Marlène Dietrich ou encore pour le cinéma avec Cécile Beaton et les fameux chapeaux d'Audrey Hepburn dans "My Fair Lady". La précision de son travail et son savoir-faire ont su asseoir sa renommée internationalement,  elle employait 120 ouvrières dans des ateliers parisiens situés avenue Franklin Rossevelt dans le 8ème arrondissement parisien. Tous les grands magasins new Yorkais avaient ouverts des boutiques Paulette de même qu'Harrods à Londres. À Buenos Aires, Paulette avait ouvert sa propre boutique et un atelier comprenant 9 personnes.

Comment expliquer ce succès?
Elle avait un service sur mesure avec des têtes spécifiques à chacune de ses clientes. Elle utilisait une sparterie à la place du bois en base pour créer ses volumes. Les matières qu'elle touchait avec instinct se superposaient par couche pour construire la forme du chapeau. Elle se fournissait chez les artisans les plus convoités: André Lemarié lui confectionnait toutes ses plumes. Ce désir de perfection et cette passion se ressentiront jusque dans les années 80 où Paulette, à l'âge de 84 ans, continuaient sans relâche de confectionner des chapeaux à de grands couturiers tels que Thierry Mugler ou Claude Montana.

Pour finir, un rêve à partager?
Un ébeniste me disait un jour qu'il faut 10 ans d'apprentissage pour toucher un meuble. J'espère que les formations pour l'artisanat et la transmission de notre héritage vont se développer de nouveau en France.

Propos recueillis par Jean Privé

"Les chapeaux de Madame Paulette", Annie Schneider, préface de Stephen Jones, 160 pages, La Bibliothèque des Arts.
Bibliotheque-des-arts.com

montana_02.jpg Paulette pour Claude Montana

m021.jpg Un chapeau de Madame Paulette dans l’objectif du photographe Maywald

p025.jpg Les voeux de Rose Fitzgerald Kennedy à Madame Paulette