New York – Inside Out

Dix personnages, dix quartiers de New York : avec "30 Beats", son premier film, Alexis Lloyd recompose l’architecture d’une ville tout en lignes et en rythmes. Véritable catalyseur, New-York lui a inspiré cette danse circulaire et amoureuse, inspirée par "La Ronde" de Schnitzler. Rencontre.

Depuis combien de temps vivez-vous à New-York ? Que représente pour vous cette ville ?
Depuis janvier 2000. J’y ai passé du temps depuis l’âge de 18 ans, en 1979. Malgré toutes ses mutations, en flux tendu, très visibles, spectaculaires, New-York est étrangement constante. Ce qu’elle représente : une ville ouverte, rythmée, zone de liberté brute, jungle urbaine à tous les sens, y compris la luxuriance, la complexité, la richesse organique, les rencontres imprévues, l’intempestif, la brutalité aussi, le danger de s’y avancer trop naïvement. Apparemment verticale et froide, mais apparemment seulement, avec une vie souterraine, impulsive, chaude, exigeante, généreuse à condition de s’y donner. Anonyme si on le souhaite, au bon sens du terme, libératoire. Une ville d’acteurs, de comédiens, chacun a conscience d’y jouer un rôle. Tout cela est stimulant pour le travail, l’écriture, les couleurs, le cinéma.
Vous évoquez New-York comme une ville hybride, bizarre, sous haute pression, « à la fois très sombre et très solaire », avec plus de liberté qu’ailleurs et aussi plus de risques. En quoi est-elle l’héroïne de votre film ?
Comme les divinités du monde grec et oriental : inspiratrice, instigatrice, semeuse de troubles mais aussi de bonnes surprises ! Parfois invisible, parfois très visible, omniprésente mais discrètement, apparaissant sous de multiples formes, parfois juste sensorielles, laissant les personnages imaginer qu’ils contrôlent leurs actes tout en guidant leur pas. Avec un côté joueur, se moquant un peu des humains, de leur égocentrisme, leur tendant des pièges dans les jeux de l’amour et du hasard, mais les protégeant aussi des trop grands risques, de justesse. La ville joue le rôle d’une divinité sexuelle, sans concession, plutôt bienveillante, mais qui a ses préférences.
Les scènes en extérieur sont souvent associées à des moments de déambulations solitaires. Pourquoi ?
Ce n’est pas un film sur la solitude. Je souhaitais au contraire faire un film sur les moments de contact, de connexion, d’intimité entre des hommes et des femmes qui se croisent, se rencontrent, se découvrent, sur leurs attirances, leurs coups de cœur, la manière dont ils se surprennent eux-mêmes, la manière dont les instincts sexuels retrouvent étrangement leur place dans une grande ville hyper-codée. Par construction, dans l’écriture du scenario, qui est une variation sur le modèle de « La Ronde », les transitions entre chaque séquence de duos amoureux sont des moments où l’on suit un personnage en solo, un peu comme en musique, des moments de solo où ils sont avec eux-mêmes, quelque chose d’intérieur se passant en eux, un « moment privé » ou « secret » au sens du jeu des acteurs. Les scènes de duos sont souvent filmées en intérieur dans le film, j’ai voulu les équilibrer avec des scènes de moments privés tournées en extérieur, dans les rues de la ville, qui enveloppe, permet, parfois protège même l’intimité de chaque personnage dans un moment intérieur.
Le film a été tourné en 24 jours. En quoi cette course contre la montre coïncide t-elle avec les pulsations de la ville ?
Ce rythme de tournage n’aurait pas été possible dans une ville qui fonctionne sur un tempo moins rapide, comme Londres, Rome, Los Angeles. Mais ça aurait pu se faire à Hongkong.
Pensez-vous que New-York demeure la ville où l’on se sent chez soi quand on est de nulle part ?
Peut-être. On s’y sent facilement chez soi. Mais surtout : nous sommes tous de la planète terre. Ce qui se perçoit plus dans certaines villes, à certaines époques.
Pour écouter l’interview de Vahina Giocante et Alexis Lloyd par Michel Field sur Europe 1, suivez ce lien
« 30 Beats », en salles le 21 mars 2012, avec Vahina Giocante, Paz de La Huerta, Jennifer Tilly, Ben Levin…