Amina Al Filali, l’insoumise

Une jeune Marocaine de 16 ans a préféré la mort plutôt que de passer le reste de sa vie avec l’homme qui l’avait violée. Une horreur possible grâce au code pénal en vigueur dans ce pays. Et un calvaire que d'autres jeunes femmes ont subi et subissent encore.

Le 10 mars, Amina Al Filali, 16 ans, contrainte d’épouser l’homme qui l’avait violée, s’est suicidée. Un mariage qui avait été approuvé par un juge. Et une mort qui a fait l’effet d’un électrochoc au Maroc, où les appels à la réforme du code pénal se sont multipliés, voire à l’abrogation d’une loi qui fait du viol un simple délit. Et de la victime une coupable.
Amina a avalé de la mort aux rats alors qu’elle se trouvait dans la maison de son « mari ». Lorsqu’il s’est rendu compte que son état de santé se dégradait, il l’a traînée jusqu’à la maison de la famille de la jeune fille, tout en la battant.
« Je ne voulais pas aller avec eux chez le juge pour les marier. Mais ma femme m’y a obligé. Elle m’a dit qu’il fallait le faire pour que les gens arrêtent de se moquer de nous, pour faire taire la honte, a déclaré le père de la victime. Est-ce qu’on peut imaginer qu’un homme qui force une fille à le suivre avec un couteau et qui la viole peut ensuite vouloir l’épouser ? »
La perte de la virginité hors du mariage est considéré comme un déshonneur pour la famille. Le Maroc n’est pas le seul pays du Maghreb dans cette situation. En Tunisie et en Algérie également, si la victime accepte d’épouser son violeur, celui-ci échappe aux poursuites.
Plusieurs associations féminines marocaines ont organisé samedi un sit-in devant le parlement pour réclamer la réforme d’une loi discriminatoire envers les femmes. « Nous sommes des Amina », « Halte aux violences contre les femmes », « Abrogez la loi », scandaient les militantes.
Cet article du code pénal punit le violeur d’emprisonnement si la victime est mineure, sauf en cas de mariage. Dans ce cas précis, si le mariage est consenti par les parents de la fille violée, l’agresseur n’est plus poursuivi par la justice. Le gouvernement a promis un réexamen de la loi.
La ministre de la Solidarité, de la femme et de la famille, Bassima Hakkaoui, unique femme membre du gouvernement, a reconnu un « vrai problème » et préconisé un « débat pour réformer cette loi ».
« Cette fille a été violée deux fois, la dernière quand elle a été mariée, a déclaré le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication. Il faut étudier d’une manière approfondie cette situation avec la possibilité d’aggraver les peines dans le cadre d’une réforme de l’article. Nous ne pouvons pas ignorer ce drame ».
Une affaire révélatrice des contradictions d’une société marocaine, gangrénée par les traditions mais aspirant à la modernité. Ce qu’illustre la nouvelle Constitution, adoptée en juillet, qui prévoit l’égalité des sexes et bannit « toute discrimination ».
Céline Hussonnois Alaya