LOS ANGELES PAR JEAN PHILIPPE DELHOMME

De la mégalopole californienne, il fait un conte, une série de fresques dont les villas, les palmiers, le ciel, les stations d’essence, les voitures composeraient l’abécédaire recolorisé par l’imaginaire. Immersion parfaite à la galerie Emmanuel Perrotin.

En sortant de l’exposition, je me suis demandée comment l’artiste au masque jaune, l’aurait illustrée. Jean Philippe Delhomme cultive comme personne ce sens du regard, ces choses vues qu’il croque d’un oeil avisé et enfantin, dandy nomade épinglant avec brio  les Parisiens et les New Yorkais d’un trait qui est celui de l’allure.

A la Galerie  Emmanuel Perrotin, ses tableaux sont une invitation à revoir une ville sans mots et sans bruit, autres que ceux des panneaux et des moteurs. Une ville où la lumière, les palmiers et le ciel échangent des correspondances graphiques qu’éclairent les titres en forme de signalements, « Sunset Blvd », « Gas Station », « L.A House », « Building with Desert Plant ». Nous ne sommes pas au Château Marmont, mais dans la solitude du voyeur qui sur le freeway, capture à l’Iphone des  paysages, des scènes post urbaines qu’il recompose au pinceau et à la brosse, en faussaire du réel.

Rien de pittoresque ni de descriptif, les compositions presqu’abstraites tracent les lignes de force d’un artiste attentif à jouer avec une palette de couleurs dignes des Matchbox et des strawberry sundae de l’enfance, autant qu’avec les références puisées chez Eggleston, Ed Ruscha, David Lynch. La magie est là où s’appropriant la banalité,  l’ordinaire, le quotidien des drive in, Delhomme recrée avec élégance son propre monde intérieur, Rubik’s cub de l’imaginaire, Legoland d’un rêve suspendu entre utopie et réalité, nostalgie et modernisme, instantanés et lenteur précise du travail en atelier.

Cette french élégance tout en touches,  rappelle celle de Louis Malle dans Atlantic City. Rien d’appuyé, tout est suggéré dans ces peintures à l’huile qui font la part belle au géomètre de la sensation.  Et puis  au lendemain du déconfinement, dans ce Marais  hier si animé,  Emmanuel Perrotin avait réuni un certain nombre d’artistes présentés par 26 différentes galeries invitées sous le thème « Restons unis », et ce vernissage avait quelque chose de bon enfant, il nous invitait, dans l’intimité de ceux qui n’avaient pas fui la capitale pour un paradis oxygéné, à partager la grâce d’un moment retrouvé. A (ré) écouter un autre silence.

Jean Philippe Delhomme, Los Angeles Langage, Galerie Emmanuel Perrotin, 76 rue de Turenne, 75003 Paris, jusqu’à fin août.