Un pied dans l’apocalypse

A l’orée de la fin du monde annoncée le 22 décembre prochain, deux expositions à Paris, l’une au Musée d’Art moderne, l’autre à la fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent, consacrent leurs cimaises aux convulsions et aux chocs de l’histoire.

« Face à tout discours dominant, à toute « terreur », il existe une alternative…L’introduction de Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, donne le ton. L’exposition « L’art en guerre » est non seulement une somme prodigieuse de toiles, d’œuvres, photos, sculptures, elle met en perspective sept ans d’une partie de la mémoire nationale, enfouie par l’oubli ou la volonté de ne pas en découdre. Des prémonitions surréalistes à la salle consacrée à l’héroïque Jeanne Bucher, des photos de Picasso dans son atelier, à la « délivrance » qu’exorcisent les toiles matières de Fautrier, le travail de mémoire est ici tout simplement remarquable. On y découvre entre autres la lettre que Jean Moulin, alors préfet, écrit à sa famille : « Je ne savais pas que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger ». On y décrypte les dessins de Jean Delpech, comme le nu décharné de Gruber, une métamorphose sculptée de Camille Laurens et une femme dont les courbes amaigries par Hajdu, font écho au portrait d’un prisonnier d’Otto Dix : le portrait réalisé en 1945 signe l’impensé de la guerre et des tortures dont l’artiste avait en visionnaire, comme d’autres, annoncé l’avènement.
Il suffit de traverser la rue, pour se retrouver, dans l’espace d’exposition de la Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent, dans un décor Belle Epoque, admirablement mis en scène par Jacques Grange. Là, il n’est pas question de privations et d’outrage, mais seulement du passage du temps, de cette rupture entre la Belle Epoque, que la guerre de 1914-1918 arrachera à ses songes proustiens. Une promenade rouge et or entre les quintias et les portraits d’Emile Blanche, ponctuée par la voix de Pierre Bergé, et l’illustration olfactive signée Francis Kurdjian, font partie du charme de cette visite, comme une invitation à retrouver sur fond de mélancolie, un éden disparu : « Nous nous asseyons près de la même cheminée ; les mêmes miroirs reproduisent les traits des mêmes fantômes, plus amaigris, plus pâlis ; mais les portraits ne sont plus là, ces toiles qui étaient « mon œuvre » sont éparpillées (…) ce tout est parti ; un peu de ce tout reviendra, un peu de ce tout ne reviendra pas ».
L.B.
L’art en guerre. Jusqu’au 17 février 2013. Musée d’art moderne de la ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson
75116 Paris.
http://www.mam.paris.fr
Un salon à la Belle Epoque. Jusqu’au 27 janvier 2013.
5 Avenue Marceau , 75116 Paris.
http://www.fondation-pb-ysl.net

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