BOB WILSON AU THEATRE DES CHAMPS ELYSEES: éloge de la démarche

BOB WILSON AU THEATRE DES CHAMPS ELYSEES: éloge de la démarche

C'est l'histoire d'un "vestiaire à mendiants", d'une liquidation, c'est l'histoire d'un monde de brumes et de trahisons, de faux semblants et de destins brisés. De l'Opéra de Quat' sous, crée à Berlin en 1928, à partir d'un livret de Bertold Brecht, Kurt Weill a fait une oeuvre d'un "nouveau genre", disait-il, à la lisière du théâtre et de l'opéra: "C'est bien parce que cet opéra a été conçu de manière si fastueuse que seuls des mendiants puissent en rêver…". Là où l'opéra et le théâtre continuent trop souvent d'être traités comme "deux concepts séparés", Bob Wilson offre un spectacle universel surgi de son univers où toutes les références se fondent, de Fassbinder à Yves Saint Laurent, de Charlie Chaplin à Fellini, pour absorber dans un monde de gestes et de couleurs, une parole en marche, nourrie par les accords de banjo et de violoncelle, de trompettes et de bandonéon. Au Théâtre des Champs Elysées, les corps, les voix, les ombres et les lumières tracent une sorte de fabuleuse symphonie expressionniste, dont le metteur en scène de "l'Oreille d'un Sourd" a le secret. A partir de tableaux vivants sur lequels il projette ses lumières bleues, vertes, noires, or, -qu'il s'agisse des barreaux de prison traités comme des colonnes à la Dan Flavi-,, des anneaux de feu devenus roues de foire, des perruques irisées, des silhouettes comme calligraphiées sur le proscenium, l'art d'un prestididateur prend içi une fois de plus son envol. Bob Wilson convoque le Berlin des années vingt dans l'univers d'un chaos somptueusement maîtrisé par la ligne dansante des corps, hommes en guêpière, divines que les trucages vocaux, les déformations physiques ne rendent jamais vulgaires, mais font basculer dans un monde au delà du monde: le sien, le nôtre. Celui de l'imaginaire crépitant aux rythmes mêlés du fox trot et des errances de Peachum, Polly, Browy, ou Macheath. Les cheveux rouges enflamment les mauves, les teints pâles, "vous avez une mine de lait vomi", sont soulignés de traits noirs, accents aigus des visages pareils à des masques d'un théâtre no underground.. Un an après la création berlinoise, le cap des quatre mille représentations dans plus de 50 théâtres était franchi, rappelle Rémy Louis dans le programme. " Quatre ans plus tard, on en dénombrait dix mille, dans pas moins de dix huit langues différentes". La force de Bob Wilson est d'être unique, de ne laisser aucune place à d'autre interprétation que celle de la troupe du Berliner Ensemble, avec des costumes et des maquillages de Barbara Naujok, Ulrike Heinemann, qui participent comme autant de personnages à la composition scénique. A cet art sublimé de l'apparition que Bob Wilson défend de manière céleste: " Les Européens commencent avec une raison et finissent par aboutir à l'effet. Je commence, moi, avec un effet et par la suite, éventuellement, j' y trouve une raison".  Après six jours de représentation à guichets fermés, la semaine s'achève, dans l'éclat de ce qui sans doute restera le plus beau spectacle de la saison parisienne.Bravissimo.  

barbara-braun.jpg L’opéra de Quat Sous, au Théâtre des Champs Elysées, Berliner Ensemble, Bob Wilson

lucie-jansch.jpg L’opéra de Quat Sous, au Théâtre des Champs Elysées, Berliner Ensemble, Bob Wilson

-lucie-jansch.jpg

-barbara-braun.jpg

-leslev-lesliespinks.jpg

mutphoto_0203_be-c-barbara-braun.jpg L’opéra de Quat Sous, au Théâtre des Champs Elysées, Berliner Ensemble, Bob Wilson

mutphoto_0205_be-c-barbara-braun.jpg L’opéra de Quat Sous, au Théâtre des Champs Elysées, Berliner Ensemble, Bob Wilson

bearbeitet-1.jpg L’opéra de Quat Sous, au Théâtre des Champs Elysées, Berliner Ensemble, Bob Wilson

mutphoto_0457r-c-barbara-braun.jpg L’opéra de Quat Sous, au Théâtre des Champs Elysées, Berliner Ensemble, Bob Wilson