BORIS GODOUNOV, LA SOLITUDE DU POUVOIR

Magistrale, puissante, la mise en scène d'Ivo van Hove à l'Opéra de Paris, sublime l'opéra en sept actes de Modeste Moussorgski.

"J'ai imité Shakespeare dans sa peinture vaste et libre des caractères, sa compositions des plans immédiate et limpide" assurait Pouchkine à propos de Boris Godounov, citant encore parmi ses inspirations Karamzine, pour travailler "avec ardeur et en toute bonne foi". Voici donc Boris Godounov en chemise blanche à l'Opéra de Paris. Un homme rongé par ses démons. Si le livret fait référence à des personnages historiques, l'ascension au pouvoir de Boris Godounov, le premier tsar élu par une assemblée populaire, à la mort de Flodor Ivanovitch, héritier direct d'Ivan le terrible, il sait aussi donner à l'oeuvre une dimension universelle. Ou comment un homme maîtrise tout, sauf la culpabilité qui le ronge: l'assassinat d'un enfant promis au pouvoir.  Ecartelé entre l'ambition, son devoir de père, et le meutre, le Tsar est ici sublimement interprété par Ildar Adbrazakov (en alternance avec Alexander Tsymbalyuk), au coeur d'un opéra magistralement scénographié par Ivo Von Hove, dans sa reflexion obsessionnelle sur le pouvoir. On est frappé par la qualité des images qui viennent se surimposer sur la scène, sans volonté autre que la mise à nu des sentiments, de cette foule composée d'individus que balaie une lumière grise pour accuser le drame de leur servitude: la faim. Le peuple, affirme Ivio Van Hove, se retrouve en "situation de réfugié dans son propre pays" . Meutre et damnation, deux thèmes qui ne cessent de hanter cette oeuvre hantée elle même par le fantôme de Macbeth, et dans laquelle chacun retrouvera la part damnée de l'époque, entre populisme et mensonges. On pense à certains dictateurs dont la susceptibilité révèle les abimes. Mais aucun effet n'est là pour jouer la surenchère, ou forcer l'anachronisme, le piège dans lequel trop de metteurs en scène tombent pour faire moderne.  "J'aime l'idée que la finalité d'un spectacle soit d'enquêter sur le passé pou comprendre le présence et trouver des indices du futur" assure encore Ivo Van Hove, servi par une prodigieuse distribution. A voir sans attendre. 

Boris Godounov, Opera Bastille, jusqu'au 12 juillet, www.operadeparis.fr photo@agathepoupeney 

 

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