DE L’ANIMALITE DANS L’AIR

edito

 

Il y a de l'animalité dans l'air. Ce sont les chiens sauvage africains totemisés par Jane Alexander, enseignant, écrivain, activiste de Johannesbourg, avec son oeuvre "The Takeover" (20015), dans l'exposition que consacre la Fondation Louis Vuitton à l'art africain (photo ci dessus ). Ce sont les bêtes humaines de Prune Noury au Musée des arts asiatiques Guimet. Et puis une pièce, comme un long cri, un poème de chair et de sang, au théâtre national de la Colline.Pulsions de mort, instincts de vie, la bête jouit, se tord, et ravage tout sur son passage, sa mère, ses maîtresses, son meilleur ami. Allégorie du facisme naissant? Mi homme, mi monstre, voici que Baal enflamme la scène théâtrale de la Colline. Le texte signé par Bertold Brecht en 1918, et que met en scène Christine Letailleur, est le tableau d'une décomposition ou plutôt d'une transfiguration: "C'est une bête, il en a le sérieux" affirme l'écrivain allemand, qui meurtri par la guerre,  témoigne de son horreur, en campant à la place du soldat, le poète maudit. Celui qui refusant la vie mondaine et la marchandisation de son art, vit "de l'inimité.. (…) tuer c'est l'enfance de l'art. (…) .Je tire mon courage et ma force vos ventres je les bouffe et vos boyaux j'en garnis ma guitare.." affirme t-il comme un cracheur de feu. Certains y retrouveront le Jason de François Villon, "quérant la Toison d'or,  transmué la d'homme en bête de sept ans". D'autres, la métamorphose de Kafka ou la Fin de Satan de Victor Hugo.. Entre les deux tours de cette élection présidentielle, ce décor hanté par les forces du mal, nous met à nu, face à la peur, au destin, à la fragile condition humaine, que les charniers dévastent, avec pour figure de proue Stanislas Nordey, un peu trop guignolesque parfois, entouré d'une troupe, le bûcheron, le poète , la mendiante, jouant, un peu éclipsés plusieurs rôles à la fois. Fulgurante, cette pièce raconte le poison de la haine, et la mise en scène de Christine Letailleur, nourrie d'effets spéciaux, de tableaux de genre, campant les bas fonds, et la noirceur d'un paysage à l'abandon, en est la parfaite illustration. 

 

Théâtre National de la Colline, jusqu'au 20 mai 2017