DE LA DIFFERENCE ENTRE MODE ORIENTALE ET MODE MODESTE

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L'une brille, étincelle, dévoile. L'autre cache, efface, lisse. L'une est enracinée dans une culture, du Maroc au Liban, pleines d'images et de réminiscences, dont se sont emparés les peintres, les poètes, les couturiers, de Delacroix à Yves Saint Laurent en passant par Baudelaire. L'autre n'a pas de passé, elle est à l'image de ses vêtements superposables, faite pour un public  universellement connecté sur les réseaux sociaux, de Londres à Dubaï. L'une chante, l'autre pas. L'une a pour marraine Hind Joudar, une femme magnifique, habitée par une passion: la tradition, le savoir faire. "La mode n'a pas de religion, pas de frontière, elle est ouverte à tous."  Cette franco marocaine défend depuis 2004 avec la force de son coeur, cet "Oriental Fashion Show" où le cafetan s'impose en souverain d'une histoire millénaire, et dont la dernière édition en mars dernier, a bien sûr mis en avant l'arc en ciel païen de broderies, de fastes et de traditions réinterprétées. Pour exemple,  Faiza Antri Bouzar (photo), qui a crée sa maison de couture à Alger, héritière d'une famille de joailliers, attentive à puiser dans un passé "riche et hétéroclite", fière de se définir "algérienne, mais aussi maghrébine, méditerranéenne, africaine, berbère, arabe, musulmane, ottomane, européenne et antique". Ses boléros orfévrés d'arabesques, ses robes du soir nous emportent du côté d'un Orient des Lumières. La mode orientale peut paraître d'un autre âge, celui de la télé panoramique et des cornes de gazelle qu'on dégustait en écoutant  Oum Kalsoum. La mode modeste est plus fittée à son époque, elle commande son ramadan wear sur net a porter. La mode modeste se rêve consensuelle, participative, politiquement correcte. La mode orientale n'est pas un étendard, elle est le souffle d'une tradtion, la promesse renouvelée du bonheur de plaire, d'aimer, de séduire, de faire rêver.  La mode orientale puise à l'infini ses sources  du côté de la poésie arabo musulmane, de l'Andalousie à la route de la soie. "La mode orientale rend la femme visible. Elle n'a rien a voir avec le religieux" dit Hind Joudar. Elle joue, entre ombres et lumières, masques bijoux et manchettes talismans, souvenirs des années d'or, quand Beyrouth, le Caire, étaient une fête, que les femmes et les hommes chantaient, dansaient, riaient ensemble. Au lieu de quoi la mode modeste aussi floue qu'opportuniste, se développe en mode viral dans un no man's land global, avec paiements sécurisés et  tenues dont le propre est de couvrir plutôt que d'habiller, dans le sens le plus caméléon du mot, au nom d'une "diversité culturelle" qui laisse le champ libre à toutes les intérprétations, tous  tous les possibles déguisements de la pensée.   

En photo, un modèle de Faiza Antri Bouzar lors de  "Oriental Fashion Show" organisé en mars dernier à Paris.

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