SERRANO A PARIS, REALITY ART

L'artiste américain expose à la Maison Européenne de la Photographie ainsi qu'à la galerie Nathalie Obadia. "America est une vaste enquête sur ce que l'Amérique signifie pour moi. (...) J'ai essayé de faire à mon échelle avec le peuple américain ce qu'August Sander a fait avec le peuple allemand". Avec malgré tout une différence de point de vue...

« Pour sauver le Vieux Monde, les Américains ne devront plus « envisager l'art comme une distraction, mais comme un sacerdoce », écrivait Jean Cocteau dans sa « Lettre aux Américains », rédigée à la suite de vingt jours à New York. (Les Cahiers Rouges, Grasset). Nous étions en 1949. Il me semble que cette formule n’a jamais été aussi juste…Andres Serrano est à Paris, où il est à l’honneur dans deux lieux parisiens : une institution, -la MEP(1)- montre des portraits de la série «América » ainsi qu’une autre sur les sans abris de New York. A la galerie Nathalie Obadia(2), ses photos tableaux explorent le thème de la torture à travers des images d’instruments surgis d'un musée de l'Inquisition,  de masques rouillés à la Sugimoto, de suppliciés habilement mis en scène. L’art, c'est tout est un programme,  voilà ce que semble effectivement nous dire celui qui choisit un musée pour parler de l’Amérique et des sans abri, et une galerie pour des représentations plus intimistes d’une souffrance théâtralisée par une grosse prod (la tête dans les  barreaux rouillés,  les sacs de jute sur la tête, les croix façon « 12 years a slave »). Né en 1950, l’artiste qui a fait scandale avec ses portraits pris à la morgue, a un grand manteau noir et des assistants. Avec eux, il surproduit du réel, autant qu’il collectionne les fantasmes collectifs, il est l’affichiste de toutes les culpabilités, toutes les peurs réunies, il est là pour dire la vérité, rien que la vérité, à peine travestie par l’outil pictural qui la révèle, à la manière du Tintoret, le Caravage, Zurbaran. Ce que nous dit Serrano, c’est que l’art est  l’inventaire esthétisé d’un monde qui ne tolère aucune contradiction, aucun autre questionnement que celle de son making of dont les grosses ficelles ne parviennent pas à nous embobiner totalement. Pourquoi l'homme qui prend ses modèles dans la rue, trouve t-il ses modèles dans l'Histoire lorsqu'il parle de torture? Daech est pourtant là pour lui fournir toute la matière possible.. Au lieu de quoi, Andres Serrano préfère aller googliser ses trophées dans le grand grenier judéo chrétien,  chinant au passage quelques références dans les musées européens, du Louvre au Prado.. Ce que l’habile construction masque ici, ce ne sont point des visages, mais la conscience professionnelle d’une mission bien marketée.  Art is a  full time job. « Mes portraits représentent ainsi des symboles en même temps que des individus » assure Andres Serrano, qui dit avoir été inspiré, pour sa série des « Native Americans » présentée à la MEP, par les Indiens d’Amérique d’Edward Curtis.  Réalisés entre 2001 et 2004, ses portraits de l'Amérique demeurent les plus convaincants, même si  on a toujours l'impression que l'artiste envisage le monde comme une somme de signes qu’il inventorie en dramatisant l’apparition, qu’il s’agisse de Donald Trump, d’une petite Miss aux rêves de pacotille, d’un membre du Ku Klux Klan, ou d’un de ces « Residents of New York ». On est loin, très loin d’un Robert Frank, d’un Danny Lyon, celle encore d’un William Klein, et de tout ce que les maîtres du photo-journalisme ont fait surgir, de manière plus humble, un Leica en bandoulière, et leur regard pour tout trésor. Tout les oppose.  Chez Nathalie Obadia,  Serrano  offre sa démonstration la plus éloquente, avec des frissons sur ordonnance.  Les formats XL, la brillance des tirages, les couleurs sursaturées sont telles  que les réclament le marché. Un reality art de banquiers SM en mal de sueurs froides et aux penthouse surchauffés.   

 

Andres Serrano, jusqu’au 29 janvier 2017 www.mep-fr.org

Et à la galerie Nathalie Obadia, jusqu’au 30 décembre 2016  www.nathalieobadia.com,  

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as19-mohammed_haddoul-denizens-of-brussels2015-andres-serrano-galerie-nathalie-obadia-paris_bruxelle Residents of New York, ANDRES SERRANO, MEP, c Nathalie Obadia Paris/ Bruxelles

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Andres Serrano, MEP, C Nathalie Obadia/ Paris Bruxelles