AFRO CHIC
Dans Afro, une célébration (éditions de La Martinière), Katell Pouliquen rend hommage à l’esthétique noire, loin des clichés, des années 60 à nos jours. Passionnée du continent africain, l'auteur livre ses confidences.
Pourquoi cette envie de rendre hommage à l’esthétique noire?
Par passion personnelle pour l'Afrique, et par envie de décrypter les correspondances infinies entre le patrimoine de cette "Terre mère", et la manière dont il est réinventé, réenchanté, dans la diaspora. J'ai exploré des champs variés, de la mode à la musique, en questionnant aussi la représentation du corps noir et les stéréotypes qui y sont encore, trop souvent, attachés.
Vous explorez dans votre livre tous les styles « afro ». Lequel vous inspire le plus et pourquoi?
Tous sont passionnants! Je suis particulièrement intéressée par la façon dont les artistes occidentaux des années 20-30 rendent hommage, dans leurs oeuvres, à l'art africain. Picasso est par exemple fasciné par la modernité de la statuaire traditionnelle africaine, ses lignes à l'architecture très pure. Les Demoiselles d'Avignon en portent d'ailleurs la trace. J'ai découvert, pendant mes recherches, une somptueuse photo de Man Ray datant de 1937, représentant Consuelo de Saint-Exupéry, la femme de l’écrivain, portant une coiffe traditionnelle du Congo en cauris, lors d’une exposition du galeriste Charles Ratton à Paris. A cette occasion, Paul Eluard, ami du couple, avait prophétisé que cette exposition de coiffures africaines « exercera(it) certainement une heureuse influence sur la mode.» On ne peut que lui donner raison quand on observe les décennies suivantes, notamment la collection Bambara d'Yves Saint Laurent en 1967, et plus encore la mode d'aujourd'hui.
Quel serait votre hot spot africain?
Les plages de Kribi, au sud du Cameroun, où l'on peut se restaurer de tilapias (poissons) tout juste pêchés et grillés sur place. Divin et peu touristique.
De plus en plus de créateur africains prennent le devant de la scène, quel serait votre préféré?
Duro Olowu, créateur britannique d'origine nigériane, qui réinvente brillamment le wax, cette cotonnade chamarrée qui était à l'origine un batik indonésien rapporté par les Hollandais au temps des comptoirs coloniaux, puis importés en Afrique. Duro Olowu qualifie le wax de "denim de l'Afrique", tant il est porté par tous sur le continent, du chauffeur de taxi au président. J'aime aussi beaucoup le travail de Stella Jean, qui n'est pas africaine mais italo-haïtienne, et qui utilise aussi le wax.
Les artistes que vous admirez?
Fela Kuti. Lauryn Hill, Saul Williams (que j'ai interviewé dans mon livre). Le travail du photographe Ojeikere, qui a compilé des centaines de coiffures stupéfiantes de beauté au Nigéria, et qui a fait l'objet d'une belle expo à la Fondation Cartier voici quelques années.
Avez-vous un grigri?
Une bague en or jaune qui ne me quitte pas. Et un fétichisme assumé pour les souliers Pierre Hardy en général.
Qu’avez-vous retenu des collections automne-hiver 2012/2013?
La grande saison afro était plutôt cet été… mais dans les collections de cet hiver, j’aime beaucoup les looks que propose Duro Olowu, ainsi que la marque éthique Suno.
Afro, Une Célébration, préface d’Oxmo Puccino, 176 pages, éditions de Lamartinière.
Katell Pouliquen est rédactrice en chef adjointe mode de l’Express Styles.
Consuelo de Saint-Exupéry, Man Ray, 1937
Ojeikere
Escarpin Pierre Hardy, collection automne/hiver 2012/2013
Collection automne/hiver 2012/2013 de Duro Olowu
Collection automne/hiver 2012/2013 de Suno
Afro, une célébration, de Katell de Pouliquen, préface d’Oxmo Puccino, 176 pages, éditions de Lamart