DOMINIQUE FAVEY BLACKMORE : « LE BIJOU 2012 EST UN BIJOU TRIOMPHANT »

Formée à l’école des Beaux-arts de Paris auprès de la sculptrice Isabelle Waldberg, Dominique Favey Blackmore sculpte des bijoux en dentelles de bronze, d’argent et d’or. Après avoir réaliser des bustiers, corsets et drapés en métal pour les défilés de Paco Rabanne dans les années 1980, elle crée des manchettes et broches pour Ungaro et Christian Lacroix. Alors que les éditions Édite viennent de consacrer un ouvrage à ses "Bijoux de sensations", Dominique Favey Blackmore répond aux questions de Stiletto.fr.

Quelles sont vos inspirations?
Je puise beaucoup dans la nature. J’aime les graminées, les coquillages, les architectures végétales. Je travaille aussi beaucoup sur l’entrelacs avec les dentelles anciennes que je moule et transforme en métal. C’est une grande source d’inspiration car les motifs sont si nombreux, si divers et si délicats et la beauté émouvante d’un savoir faire passé si étonnant que je ne peux jamais être à court d’idées.
Les photographes comme Karl Blossfledt ou bien Muybridge ont aussi largement contribués à élargir mon champ d’inspiration avec les macros photographies de végétaux pour l’un et la décomposition du mouvement de l’ homme ou de l’ animal qui bougent pour l’autre. J’ai appris à aimer la simplicité et la force du matériau brut par mon père, sculpteur sur pierre. Enfin tout ce qui me donne prétexte fortuitement à jouer avec les volumes est bienvenu.
D’où vient votre passion pour la joaillerie ?
Je suis sculpteur et j’ai toujours beaucoup apprécié les bijoux de sculpteurs comme Julio Gonzalès, Alexandre Calder, Alicia Penalba, Claude Lalanne. J’adore leur grande liberté de création et la vision ludique de leur travail. Je me suis moi aussi prise au jeu dès que j’ai commencé à créer ma première bague pour ma mère lorsque j’étais encore étudiante aux beaux arts de Paris. Je n’ai pas eu de formation de joaillier et j’ai taché de combler les lacunes techniques que j’avais par une inventivité que j’ai de ce fait développé avec beaucoup de bonheur et j’espère de constance .
Quelles sont ces sensations que procurent les bijoux, dont parle votre ouvrage ?
Anita Castiel, l’auteur du texte de mon livre, a justement joué sur ce mot à double sens selon qu’il est au singulier ou au pluriel. Des bijoux qui donnent la sensation d’être belle, d’être mise en valeur mais aussi les sensations que provoquent le contact, le toucher, le regard… Le plaisir de savoir que l’on porte une pièce unique qui est faite que pour soi .
La création dont vous êtes la plus fière ?
Un gigantesque col « Marie Stuart » en métal et dentelle de bronze pour un défilé haute couture de Paco Rabanne. Un défi technique ! Le résultat était spectaculaire et la réalisation réussie malgré les contraintes de toutes sortes.
Quel bijou…
comme remède à la crise ?
Je pense que les crises comme celle que nous traversons sont très propices à la création. C’est le moment où l’on ose des formes, des volumes, des couleurs sans retenues, où la créativité est débridée. Un moment où l’on fait des merveilles avec rien puisque l’on n’a rien à perdre. Aussi faisons-nous plaisir! Osons des bijoux qui nous réjouissent et ne soient pas conventionnels. Profitons-en pour casser les codes et utiliser des métaux et matériaux dits « non nobles ».
… pour avoir confiance en soi ?
On doit être bien dans ses baskets,on doit être aussi bien dans ses bijoux ! Quand je vois mes clientes arborer triomphalement une grande collerette ou un bracelet dentelle très en volume, je peux avoir une idée de ce que peut procurer une parure qui devient un élément qui nous identifie.
… pour se sentir belle ?
C’est celui qu’on va choisir ce soir-là pour séduire, celui qui va vous mettre en valeur, celui qui attire l’oeil sur vous. Celui avec lequel je me sens complice : une grande collerette dentelle ou de très grandes boucles d’oreille comme celles que portait Sophie Marceau sur une couverture de magazine et qui illuminaient son visage.
Un bijou qui rassure ?
Celui qui vous porte chance comme me le disent mes clientes devenues amies. Comme le bracelet fétiche que j’ai créé pour Madeleine Riffaud (célèbre écrivaine, ancienne résistante) et dont elle ne se sépare jamais. Celui qui vous manque quand vous ne le trouvez pas.
Une faute de goût impardonnable en joaillerie ?
Le goût est tellement subjectif que je dirai qu’il n’y a pas de faute de goût. C’est juste une histoire de mode. Le mauvais goût d’aujourd’hui sera peut-être le bon goût de demain. Mais ce que je n’aime pas par-dessus tout c’est le bling bling qui veut accumuler tout ce qu’il y a de plus cher en matière de joaillerie sans tenir compte de l’effet esthétique. Je n’aime pas les signes extérieurs de richesse ostentatoires.
Le bijou qui symbolise 2012 ?
C’est un bijou triomphant comme ceux que j’ai créés pour le port altier de la sublime danseuse étoile Agnès Letestu. Des bijoux qui se nourrissent de l’histoire des étrusques, des scythes, des arts premiers : un bijou cosmopolite.
« Bijoux de sensations », de Dominique Favey Blackmore, texte d’Anita Castiel. Editions Edite.

Dominique Favey Blackmore