Alain Prost: « Le luxe est un véritable capital français. »
En janvier 2012, il a repris une institution de la lingerie française, Lejaby, au moment où celle-ci s’apprêtait à déposer le bilan. Plus qu’un pari sur l’avenir, c’est un parti pris qu’Alain Prost exprime au quotidien. Rencontre avec un homme qui ne envisage l’adversité avec enthousiasme.
Pourquoi la lingerie et par conséquent Lejaby?
J’ai travaillé chez Chantelle, et donc je connaissais Lejaby de l’extérieur, en tant que concurrent. A presque 50 ans, j’ai pensé avoir le bon âge pour entreprendre et je me suis lancé. Mes prédécesseurs ont acquis Lejaby en 2008. A l’époque, le chiffre d’affaires était de 80 millions d’euros. 4 ans après, il était descendu à 20 et la marque avait perdu 18 millions d’euros. Je ne pouvais pas laisser cette expertise française disparaître ou, pire, se délocaliser. Mon objectif: faire renaître la lingerie de luxe 100% made in France, cousue main. Et développer des techniques, former et embaucher.
La reprise de Lejaby, un coup de talon à la crise ?
Oui, en partie. J’ai parié sur le succès intemporel du savoir-faire de notre pays. Le luxe est un véritable capital français.
Quel chemin suivez-vous?
Le défilé couture que nous avons organisé en janvier dernier a révélé la direction que nous avons prise pour Maison Lejaby. Dans 10 ans, on espère faire entre 85 et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 40% proviendrait du marché national. Pour cela, nous devons rajeunir la clientèle et développer la gamme « dessus-dessous », des pièces à mi-chemin entre le prêt-à-porter et la lingerie. Nous travaillons beaucoup sur des faux nus, avec des jeux de transparence. Je souhaite aussi développer nos relations avec le Comité Colbert et la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne.
La signature de Maison Lejaby?
La goutte de peau dans le dos d’un dessous, les boutons d’évêque, les jours « vous et moi » (des jours cousus en diagonal) et les ajourés ultra raffinés. Une pièce de lingerie Maison Lejaby c’est environ 25 matières et 12 étapes de fabrication.
Les nouveautés?
Le body et le petit jupon permettent de réutiliser de très belles dentelles longtemps oubliées. Nous travaillons également beaucoup sur l’association de couleurs.
Votre slogan?
Nous faisons une lingerie pour les femmes avant tout. Nous ne sommes pas dans la séduction, comme certains de nos concurrents. Les femmes doivent se faire plaisir tout en exprimant leur sensualité de façon décomplexée. Notre salon couture invite à l’exploration d’une collection, il s’agit de prendre son temps.
Qu’est-ce qui vous élève?
Toutes formes de réalisation. J’ai un esprit entrepreunarial. Grâce à Maison Lejaby, j’ai l’opportunité de recréer quelque chose, d’écrire une histoire avec une équipe. J’aime avoir de l’ambition pour une entreprise.
Qu’est-ce qui vous met à plat?
Perdre pied, quand je suis entouré de personnes qui ne pensent qu’au procédé, manquent de vision et ne sont pas passionnées.
Votre dernier coup de talon?
Je n’ai pas aimé la une de Libération accablant Bernard Arnault. Il fait travailler des milliers de personnes et représente le savoir-faire français sur le plan international. Patron n’est pas synonyme de voyou.
Le talon d’Achille de Maison Lejaby?
Nous sommes encore un peu trop assis sur notre savoir-faire. Il reste à développer une culture d’entreprise favorisant la prise d’initiative.
Votre défi au quotidien?
Donner envie aux employés de se surpasser.
Comment gardez-vous les pieds sur terre?
Je vais à la montagne pour me ressourcer. J’aime skier et faire de la randonnée.
Vous qui aimez l’altitude vous préférez les femmes perchées?
Si elles ont des talons à la hauteur du Mont Blanc…
Etre patron aujourd’hui, est-ce un marathon ou un sprint?
Plus un marathon, il faut avoir de la ténacité, du souffle et de la résistance. On construit dans le temps.
maisonlejaby.com
D.H.