Moïra Sauvage: »un jour il sera naturel que des-femmes soient ministres »
Moïra Sauvage est journaliste et auteur de Guerrières ! A la rencontre du sexe fort. Fille d’un révolutionnaire irlandais, elle se bat contre les stéréotypes. Spécialisée sur la question des femmes, elle a été responsable de la commission Femmes d’Amnesty International en France. Dans son livre, Moïra Sauvage remonte l’histoire des femmes et démonte ces clichés qui tendent à faire des femmes des victimes. Car victimes, elles ne le sont pas. Ce sont des guerrières du quotidien qui font de leur vie un combat. A l’image des 17 femmes ministres du gouvernement de François Hollande, à parité parfaite.
Politique, un job de guerrière ?
Aucune ne le dit clairement, mais toutes les femmes politiques ont dû ou doivent se battre. La politique en France reste un milieu machiste réservé aux hommes qui n’ont aucune envie de se faire envahir par les femmes. Ce milieu reste encore et toujours affaire de virilité. Et on attendra toujours plus d’une femme, surtout si elle est jeune et jolie. Je remarque que trop de femmes ont voulu se transformer en homme pour se faire accepter, pour intégrer un monde fait par et pour les hommes.
Femme, un handicap ?
Il y a la question de la voix. On n’apprend pas aux femmes à prendre la parole en public. Du fait de leur éducation, elles ont tendance à rester en retrait dans les discussions. C’est très compliqué pour elles de se faire entendre. Si une femme, on dira qu’elle est hystérique ; si elle tape du poing, qu’elle ne sait pas contrôler ses nerfs ; si elle a du tempérament, qu’elle est virile ; et si elle ne parle pas assez fort, qu’elle ne sait pas s’imposer.
Le gouvernement à parité de François Hollande, une première victoire ?
C’est une révolution, la première fois en France qu’il y a autant de femmes que d’hommes membres d’un même gouvernement. Mais comme toutes les révolutions, cela peut prendre du temps à pénétrer les esprits. Et je remarque que, encore une fois, les postes réservés aux femmes restent majoritairement les domaines traditionnellement féminins : la famille, le social ou la santé. Ce sont des postes stéréotypés. La parité reste à mes yeux une façade, j’attends de voir si elle sera appliquée dans l’exécutif. Mais il faut considérer le verre à moitié plein : à force de voir des femmes ministres, on n’y prêtera un jour plus attention, et cela sera naturel, comme c’est le cas aujourd’hui pour les femmes médecins ou policiers.
Un conseil pour parvenir à s’imposer dans cet univers masculin ?
La seule solution c’est la compétence et l’efficacité. L’autorité est une force intérieure. Je suis plutôt petite, je mesure 1,58m. J’ai rencontré une générale 4 étoiles de l’armée américaine, encore plus petite que moi. Et bien malgré cela, elle en imposait tellement par son regard que j’avais l’impression qu’elle me regardait d’en haut.
Une tenue de combat idéal ?
Il est tout à fait scandaleux qu’une femme soit obligée de gommer sa féminité pour être acceptée. On en est toujours à regarder son corps, dans une situation où il n’a rien à y faire. Je me souviens d’une anecdote. En 1972, un huissier de l’Assemblée nationale refuse l’entrée à Michèle Alliot-Marie, sous prétexte qu’elle porte un pantalon. Elle lui répond : « Si c’est mon pantalon qui vous gêne, je l’enlève dans les plus brefs délais ! » Bien envoyé. On trouvera toujours à redire de l’apparence d’une femme, une manière de l’inférioriser. Comme certaines que l’on a parfois qualifié de bonnes sœurs parce qu’elles n’étaient pas suffisamment sexy. Les femmes doivent s’habiller comme elles l’entendent, avec couleur, hauteur de talons ou longueur de jupes qu’elles souhaitent. Et les hommes feraient bien d’être un peu plus originaux, coincés comme ils sont dans leurs uniformes gris.
Guerrières ! A la rencontre du sexe fort, de Moïra Sauvage, paru chez Actes Sud, 22,50 euros.
Une rencontre est organisée ce jeudi 7 juin, à 18h, à la Librairie de Paris, place de Clichy.
Interview Céline Hussonnois Alaya
Moïra Sauvage, auteur de Guerrières ! A la rencontre du sexe fort