Sade: le maudit sublime

Mort en 1814 après avoir passé vingt-huit ans en prison, à la Bastille et à Charenton, Donatien Alphonse François de Sade a voué sa vie à l’écriture. C’est dans son château fort de Lacoste, propriété de Pierre Cardin depuis 2001, que le marquis aura pourtant été le plus heureux. Proche collaborateur du couturier, originaire de la région de Lacoste, Jean-Pascal Hesse a pu accéder à une documentation exceptionnelle, de manuscrits en correspondances transmis par le Comte et la Comtesse de Sade, et révélés dans un ouvrage passionnant, "Sade, L’Amant des Lumières". Pour Stiletto.fr, il explique la genèse de son livre.

Votre première rencontre avec le marquis de Sade?
J’ai grandi à l’ombre du château de Lacoste, le château du Marquis de Sade, car je suis originaire de la région. J’ai donc fait la connaissance du lieu avant celle du personnage. Puis Pierre Cardin a racheté le lieu, j’ai pu rencontrer la famille du marquis, qui m’ont raconté leur aïeul: le Comte et la Comtesse de Sade ont passé leur vie à travailler sur les archives, et tout spécialement sur la correspondance de Sade, qui avait été murée après sa mort. Il a fallu attendre la seconde Guerre Mondiale pour l’exhumer.

Comment Pierre Cardin a-t-il racheté Lacoste, le château-fort du marquis de Sade?
L’ancienne propriétaire du château et Pierre Cardin avaient un ami commun, Marius Constand, compositeur et chef d’orchestre, qui avait eu l’idée d’organiser un festival à Lacoste. C’est ainsi que Pierre Cardin a eu une première rencontre avec le château, le visitant en 2000, à Pâques, par un temps épouvantable, ce qui l’a d’abord effrayé… Puis il y est retourné en juin. Il a acquis le château de Lacoste au printemps 2001.

Pourquoi ce livre sur le marquis de Sade?
J’ai voulu écrire ce livre, non seulement à l’occasion des 200 ans de la mort de Sade, mais aussi en hommage à Pierre Cardin, et par affection pour la famille du marquis, le Comte et la Comtesse de Sade, qui vient malheureusement de nous quitter.

Les écrits du marquis de Sade restent-ils, aujourd’hui encore, toujours aussi sulfureux?
Au-delà d’un libertinage outré, il faut bien rappeler que le marquis de Sade a sublimé beaucoup de choses : il a passé 28 ans en prison… Le plus gênant, pour moi, serait sans doute son côté blasphématoire, ce désir de profaner systématiquement l’image du christ. Mais Sade n’a jamais tué personne…

Y a-t-il selon vous, parmi la jeune génération de romanciers, un héritier de Sade?
Je pense notamment à Jean-Baptise Del Amo, qui avait écrit un très beau premier roman, Une éducation libertine (2008). Son dernier livre, Pornographia, a d’ailleurs reçu le Prix Sade en 2013.

Vous racontez dans le livre l’histoire du manuscrit des Cent Vingt Journées de Sodome, caché dans la cellule de Sade avant de passer de main en main jusqu’à Marie-Laure de Noailles puis un collectionneur suisse. Ou est-il aujourd’hui?
C’est extraordinaire, car j’ai appris justement hier, du fils de la Comtesse, que le manuscrit revenait enfin en France, à l’occasion du bicentenaire de la mort du marquis! Il aurait en effet été racheté par Gérard Lhéritier, président du Musée des Lettres et Manuscrits, boulevard Saint-Germain. Il devrait être exposé bientôt au musée d’Orsay.

Donatien Alphonse François de Sade, L’Amant des Lumières, de Jean-Pascal Hesse, Assouline.
www.assouline.com

manuscrit-fondation-martin-bodmer001.jpg Rouleau manuscrit des « Cent Vingt Journées de
Sodome ». Écrits à la Bastille
à raison de trois heures par jour (du 22 oct au 28 nov 1785), ces feuillets furent assemblés en un rouleau de 12,10 m de long (Fondation Martin Bodmer, Cologny, Suisse).

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-collection-comtesse-de-sade001.jpg Portrait de Laure de Sade (1310-1348), par Simon de Sienne, en 1339. Cette copie exécutée au XVIIIème siècle, fut la propriété de l’abbé de Sade à Saumane, puis du marquis, à Lacoste.