Issey Miyake, le corps au cœur
Pour la première fois, l’intégralité des 45 ans de carrière d’Issey Miyake est présentée au public, à Tokyo, au National Art Center, dans une exposition qui met en lumière le bonheur de créer.
Issey Miyake est un créateur à part. Résolument tourné vers l’avenir, il a une approche particulière du vêtement, qui relie l’étoffe, le corps et l’espace. En 1960, il envoie une lettre au Séminaire international du design, pour faire remarquer que la création de vêtements ne figure pas au programme. Déjà, pour cet étudiant en arts graphiques à l’université Tama Art, le vêtement n’est pas une question de mode: c’est une forme de création, intimement liée à l’être humain dans son universalité. Depuis la fondation de son studio en 1970, puis son premier défilé à Paris en 1973, il n’aura de cesse de considérer le vêtement comme un espace de recherches et d’idées, tel un laboratoire de création constamment en ébullition, vers toujours plus de confort et d’émotions.
Le corps au centre de la création
Les techniques traditionnelles et le profond respect des traditions, l’écologie, la liberté de mouvement, le croisement des cultures… La création selon Issey Miyake s’inscrit dans un réflexion en perpétuelle évolution: dès 1970, une combinaison comme une seconde peau est ornée de tatouages, tandis qu’une robe est réalisée à partir de trois morceaux de tissus joints sur le biais, ou qu’un manteau enveloppe le corps en diagonale. Ces formes, parce qu’elles changent de signification suivant le corps qui les a revêtues, accordent plus d’importance à son utilisateur qu’au vêtement lui-même.
Un seul morceau de tissu
Matières plastiques renforcées par des fibres, bustiers sculptés en résine ou en silicone zippé, corset en rotin… Les modèles réalisés dans les années 80 se trouvent au croisement de la sculpture et de la science. Jusqu’à l’objectif ultime d’Issey Miyake: concevoir un habit en n’utilisant qu’un seul morceau de tissu. Selon lui, n’importe quel matériau peut être transformé en vêtement, du raphia à l’aluminium, du crin de cheval au washi, le papier japonais traditionnel. La forme et la fonction ne font alors plus qu’une. Dans cet esprit, les lignes Pleats Please ou A-POC, visant à la pureté esthétique, sont autant de processus qui ont révolutionné la mode contemporaine. Au National Art Center, le visiteur, au plus près du vêtement, s’attend à voir les mannequins prendre vie. L’exposition, organisée jusqu’au 13 juin explore ainsi, au fil des collections, dans une mise en scène lumineuse de Tokujin Yoshioka, ce processus de création unique. Elle est d’une ampleur et d’un niveau de détail inédits.
“The Work of Issey Miyake“, jusqu’au 13 juin au National Art Center, Tokyo. 2016.miyakeissey.org
issey3.jpg Vue de l’exposition au National Art Center. Photo: Masaya Yoshimura
issey2.jpg De gauche à droite: Colombe (printemps été 1991), Horsehair (automne hiver 1990), Square Wool (132.5 Issey Miyake, 2015). Photo: Hiroshi Iwasaki