La garde-robe de Cécile Duflot : faux-pas ou buzz volontaire ?

Il n’est pas rare de se faire chahuter à l’Assemblée nationale, cela l’est un peu plus lorsque c’est la tenue vestimentaire qui est en cause. Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires et du logement, a été huée par des députés UMP. L’objet du litige : une robe Boden à motifs bleu et blanc. Créée en 1991, cette marque anglaise se définit par ses imprimés très colorés. Des motifs qui ne sont pas que de simples détails vestimentaires pour la ministre.

« Nous n’avons pas hué ni sifflé Cécile Duflot, nous avons admiré, racontait Patrick Balkany au Figaro, l’un des députés moqueurs. Tout le monde était étonné de la voir en robe. Elle a manifestement changé de look, et si elle ne veut pas qu’on s’y intéresse, elle peut ne pas changer de look. D’ailleurs, peut-être avait-elle mis cette robe pour ne pas qu’on écoute ce qu’elle avait à dire. »
Ce n’est pas la première fois que Cécile Duflot focalise l’attention sur autre chose que son discours. Son premier Conseil des ministres en a fait jaser plus d’un. L’ancienne secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts a fait mi-mai une entrée remarquée dans la cour de l’Elysée: en jean.
Oh, scandale dans le monde très protocolaire de la politique. Nadine Morano, ex-ministre UMP, s’en est même insurgé sur Twitter: « Je trouve que quand on représente les Français, il faut faire la différence entre la dilettante du week-end et la tenue du conseil des ministres. C’est un moment protocolaire de la République où nous représentons tous les Français. »
Tenue rigoureuse pour situation solennelle
Une femme politique, tout comme un homme dans une moindre mesure, ne peut s’autoriser toutes les excentricités, considère Annie Mollard Desfour, linguiste-lexicographe au CNRS. « Il faut avoir l’air sérieux. La couleur faisant trop féminin, donc pas crédible ». Ce n’est donc pas la robe de Cécile Duflot qui est en cause, mais l’imprimé.
Il est entendu qu’en politique, des codes visuels facilitent le message, des codes à respecter pour être écouté. Le look doit faire écho au cérémonial de la situation. « Une solennité qui se montre par l’attitude comme par la tenue vestimentaire », ajoute la chercheuse. Une solennité qui peut aller jusqu’à la mèche de cheveux ou le col boutonné. « Si on ne montre pas ces signes extérieurs de rigueur, le message ne semblera pas rigoureux », précise Brigitte Gauthier, analyste et consultante couleur. Une simple veste sur les épaules, même ouverte, note-t-elle, aurait évité toute polémique.
La réaction des députés donne certes une connotation machiste à l’affaire, qui pourtant n’est pas le fond du problème. « Il faut que le vêtement soit en accord avec le rôle, précise Brigitte Gautier. C‘est comme au cinéma, le costume doit permettre de comprendre à qui on a à faire et quelle va être la confiance que l’on peut accorder à son discours. » Visuellement, Cécile Duflot n’a pas encore endossé le costume de ministre.
Quand la robe devient message politique
C’est bel et bien une déclaration politique de la part de Cécile Duflot. Par ses tenues, elle montre qu’elle reste « normale », proche des citoyens, et qu’elle n’a pas changé. « Elle n’est pas rentrée dans le rang, analyse Brigitte Gauthier. Elle se veut fidèle à elle-même. » Mais cette honnêteté est à double-tranchant.
Cette bravade envers les codes vestimentaires traditionnels, c’est une forme de défi. Mais un défi perçu comme une agression envers une règle implicite. « Elle remet en cause les habitudes d’une société qu’elle perçoit comme conservatrice, au-delà du clivage politique », analyse Frédéric Godart, sociologue et enseignant à l’Insead de Fontainebleau. Une manière de bousculer un certain ordre. Mais aussi de fabriquer son personnage d’électron libre. Et c’est cela, peut-être, qui dérange.
Céline Hussonnois Alaya

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