Portrait d’un cireur

Au détour de la rue Jean Mermoz, une petite boutique à la devanture boisée attire l’œil. Les grandes maisons sont unanimes : l’expert en entretien de souliers de luxe, c’est Baba. A la lumière du scandale autour d’Aquilino Morelle et du « cireur de l’Elysée », rencontre avec un passionné.

« Le premier pas dans mon rapport aux autres, c’est les souliers. » Parmi les tableaux et les livres d’art, Baba s’occupe de l’entretien des plus beaux souliers de la capitale depuis vingt ans. Pas d’horaires fixes ou de rendez-vous, pas de caisse dans ce lieu à l’atmosphère feutrée. « Baba, c’est comme un club à l’anglaise, explique un client. On peut y passer des après-midis entiers. » Comme le révèlent les piles de livres entassés dans le salon tendu de velours rouge, les souliers ne sont en effet pas le seul amour de ce passionné de 54 ans: Baba est un féru de littérature. « J’ai une passion pour Chateaubriand. Et dès que j’ai un chagrin, je lis Adolphe de Benjamin Constant. J’aurais dû naitre au XVIIIe ou au XIXe siècle. J’ai l’impression que notre époque est monotone. »

« Une question d'honneur »
La quiétude du lieu ferait presque oublier le scandale Aquilino Morelle. « On se croirait chez Gertrude Stein », confie une amie, en regardant le maitre des lieux finir de travailler une paire de derbies caramel. « La boite de cirage est ouverte toute la journée, explique Baba. Chaque soir, il faut donc retravailler la matière, laver les brosses, vérifier que le cirage n’a pas été abîmé par la chaleur. Je ne pars jamais avant que le salon ne soit impeccable. » Pourtant, impossible de ne pas aborder l’affaire. Si Baba ne comprend pas l’emballement des médias – « Il y a des camions entiers qui défilent pour apporter les bouteilles de vin, la nourriture, les fleurs… pourquoi faire tout un plat d’un cireur? » – il reste ébahi face à la décision de David Ysebaert, le cireur impliqué dans le scandale, de s’exprimer dans les médias. « Je trouve impensable de citer publiquement le nom de ses clients. C’est une question d’honneur. » Il exprime cependant son admiration pour un ancien président français : « Jacques Chirac avait tellement de prestance. Et toujours des souliers impeccables! ». Discret, Baba aime pourtant régaler l’auditoire d’anecdotes : « Une fois, un homme est entré avec une paire de souliers sales. Je venais de nettoyer mon salon, je ne voulais pas qu’il m’apporte ses chaussures sales ! Je lui ai dit de d’abord les faire laver, puis ressemeler, puis de me les rapporter pour l’entretien. C’est comme aller au pressing avec une chemise sale et demander qu’on la fasse repasser! »

Fleur Burlet

 

Salon Baba, 34 rue Jean Mermoz, Paris 8Tél. : 01 42 56 35 53

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1375078_10153345208395117_1624900847_n.jpg Baba dans son salon

photo-2.1.jpg Tableaux et beaux livres côtoient un authentique fauteuil de barbier

photo-1.jpg La devanture du Salon Baba rue Jean Mermoz

photo-4.jpg Souliers, livres d’art et canapés Chesterfield composent l’atmosphère de « gentlemen’s club » du Salon Baba