Stilettos, crocs ou cuissardes: quels souliers pour les femmes politiques ?
Il y a eu l'affaire des crocs roses de Roselyne Bachelot en 2008, alors ministre de la Santé, sur le perron de l'Elysée. Mais aussi l'année dernière les cuissardes de Nadine Morano, en charge de l'Apprentissage. Ou encore, plus récemment, les boots rouges Free Lance de Rachida Dati, députée européenne et ancienne Garde des Sceaux. Pourquoi ces souliers font-ils tant jaser ?
La chaussure, ce n’est pas qu’un détail. « C’est l’élément le plus important de la silhouette et c’est l’objet de mode le plus porteur de sens », explique Pascal Monfort, sociologue de la mode. Frédéric Godart, auteur de « Sociologie de la mode » et enseignant à l’Insead de Fontainebleau, confirme. « On peut accepter qu’un costume soit froissé, mais des chaussures mal entretenues se remarquent tout de suite. » « C’est une forme de communication non verbale qui raconte beaucoup de choses sur la personne qui les porte », ajoute Pascal Monfort, également consultant en prospective et analyse de la mode, qui recommande de se faire conseiller pour éviter de telles polémiques.
Clown et tapis rouge
La chaussure est un emblème, c’est-à-dire un élément reconnaissable. « Elle reflète la personnalité de celle qui les porte », considère Brigitte Gautier, analyste et consultante couleur. « Le déguisement se voit », tranche le créateur Michel Perry. On pourrait même aller jusqu’à distinguer des traits de caractère dans la cambrure d’un escarpin. Comme pour Pascal Monfort, qui voit une volonté de montrer sa réussite dans les talons vertigineux « de tapis rouge » de Rachida Dati. A l’antithèse, il y a les crocs de Roselyne Bachelot, « presque clownesque ». Et un soulier « féminin mais fade » chez Ségolène Royal, signe d’une certaine réserve envers l’univers de la mode.
En politique, tout est message. « Les femmes politiques ne doivent pas avoir d’interdits vestimentaires, mais elles sont scrutées, sous la lumière du matin au soir, remarque la créatrice Karine Arabian. La féminité pose toujours problème. Une femme en Louboutin ne fera pas crédible. » Trop luxe, trop séduisant, trop femme, ce qui brouillerait le message. Un devoir de réserve s’impose comme un devoir de modération, au risque de se censurer. Avec une tenue en accord avec la fonction: rigoureuse.
L’Elysée en talons hauts
« Les femmes politiques avaient plutôt tendance, par le passé, à se glisser dans le moule masculin et à masquer leurs différences », analyse Annie Mollard-Desfour, linguiste-lexicographe au CNRS et présidente du Centre français de la couleur. Si la politique a un message à transmettre, « il passe d’autant mieux qu’il est délivré avec séduction, ajoute Michel Perry, pour qui l’élégance prime. C’est ce que l’on voit avant même de parler, cette harmonie entre ce que l’on est, ce que l’on dit et la circonstance. » La sphère politique se féminisant, voici peut-être venu le temps d’un basculement des valeurs.
Céline Hussonnois Alaya