MAGISTRALAIA

A Paris, dans son antre de la rue de Moussy, Azzedine Alaia a présenté sa collection de l’hiver 2012-2013. Une ode à la puissance des femmes.

Une leçon de coupe comme Paris peut en révéler l’essence absolue. L’impression que chaque robe est l’aboutissement d’un long travail qui ne pèse pas sur elle. D’une mémoire, de souvenirs de cinéphile qui n’encombrent rien. Mais redéfinissent tout. A l’extrême d’une allure reconnaissable entre toutes, mais chargée de désirs tout neufs. Nano-perfectos et jupes de patineuse, manteaux courts de drap dont le bleu iris, le vert forêt aiguisent le volume. Magistralaia. Chez lui, rue de Moussy, pendant cinq jours, les mannequins ont présenté les modèles dans ce silence que la musique n’arrive pas à rompre complètement. Parce que le public est subjugué. Parce que, sans attendre le retour de Jil Sander ou l’arrivée d’Hedi Slimane chez Yves Saint Laurent, Azzedine Alaia a l’intelligence de présenter les plus beaux costumes pantalons du monde. Ceux qui envoient tout promener sur leur passage. Pas un détail qui ne soit juste. Pas d’effet qui sonne faux. Pas de gimmick « néo executive » comme on a pu le voir chez des prétendants de la modernité. Une manière de réaffirmer, en maître tailleur, sans padding ni prothèse, la puissance des femmes. Au plus près de la peau. De cette dignité que les robes inspirent, balayant toutes les armures de la Fashion Week pour sublimer, dans un dépouillement extrême, un port de tête, avec une force et une radicalité que seuls Rei Kawakubo et Yohji Yamamoto magnifièrent au début des années quatre vingt. Sauf qu’à ce discours émancipateur, Azzedine Alaia en ajoute un autre, de multiples autres, comme autant de reflets démultipliés de ses passions. Citizen Alaia. Chez lui, la ligne n’exclue pas la courbe. Elle la rend possible. Ainsi les pans mouchoirs, les godets ondulent en épousant la démarche de ces reines dont il a compris au millimètre l’envie de paraître plus mince, plus athlétique. Ainsi la lumière du Sud fait son entrée par la persienne d’une maison. C’est l’image d’une jambe dont les collants ajourés reprennent de manière obsessionnelle la même ligne perforée que les longs gants du soir. Ce sont des gestes couleur d’émeraude, de saphir, ou de grenat. C’est cet érotisme presque monacal qui fait de chaque passage une apparition, et de chaque modèle une référence, qu’il s’agisse des costumes noirs surgis d’une photo de Mario Giacomelli, ou des longs fourreaux à la Gilda que la maille nerveuse, organique, sculpturale, sublime, sans nostalgie. Au col d’une robe calligraphié comme un œil de biche, fait écho, l’arrondi d’une bottine lacée.. My Fair Lady, Eva, la Religieuse, Carmen, elles sont toutes là, en une seule. A la sortie, on a envie de tout. D’une vaste maison avec des sculptures d’Henri Moore, d’un peu de silence, et d’une robe qu’on ferait danser sous les étoiles.

Ilvio Gallo

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