LE ROSE ET LE NOIR

Samedi 1er juin a marqué les 5 ans de la mort du couturier. Une plaque a été apposée ce jour au 55 rue de Babylone. Laurence Benaïm, biographe d’Yves Saint Laurent, se souvient...

Je me souviens des lys Casablanca, anagramme de son prénom. De son regard qui pouvait tout casser, tout faire basculer. Comme si au delà de son corps dans lequel il semblait caché, il percevait tout et plus. Je me souviens de ses femmes, les mannequins, dans cette loge boudoir, ou elles venaient se maquiller, se coiffer, devant les grands miroirs, qui réfléchissaient les boitiers or. Elles étaient comme celles qu’il avait dessinées, enfant, à Oran. Elles étaient lui, elles étaient à lui. Possédées, habitées par son regard. Sa mère, Lucienne m’avait confié ce petit cahier avec des aquarelles réalisées par son fils à Oran.

Sa force était d’avoir fait d’une vision une réalité, celle qui le dévorait pourtant chaque jour. Elles étaient nues sous leur blouse blanche, avec des escarpins de satin noir, toujours, prêtes pour les dominos et les mousselines, les drapés de crêpe « coup de crayon » et les smokings de Monsieur Jean Pierre, premier d’atelier Tailleur. Chacune attendait son tour. Il y avait de la passion dans l’air. On accédait à la maison de couture par les escaliers bordés de part et d’autre de quintias, ou par le petit ascenseur qui menait au studio. On le voyait parfois arriver, avec son duffle coat et Moujik. On disait Monsieur. Il s’asseyait derrière son bureau derrière lequel des photos de Paris Match, des dessins étaient punaisés.

La vie compte moins que tout ce qui reste de lui. Ce soleil du noir dont il a fait une couleur. Ces rouges et ces roses. Ces bleus et ces verts. Ce marine et ce noir. Tout ce qui claque. Tout ce qui est là, et qui résiste à toutes les rétrospectives, une attitude, une manière de voir la vie, de faire de la beauté un absolu.

LB

photo-7.jpg Plaque YSL, apposée ce jour au 55 rue de Babylone