Misia, muse et reine

Bonnard, Vuillard, Vallotton, Toulouse-Lautrec… «Ils étaient tous amoureux d’elle». Le musée d’Orsay dresse le portrait de l’une des personnalités les plus influentes du début du XXème siècle, amie de Diaghilev, de Chanel et de Cocteau, et qui a financé les Ballets russes pendant plus de dix ans. Isabelle Cahn, commissaire de l’exposition, perce les mystères qui entourent le personnage.

Pourquoi Misia était-elle si portraiturée?
Dès qu’elle a été mariée à Thadée Natanson en 1893, elle est devenue amie avec les peintres de la Revue Blanche dont il était le directeur. Bonnard, Vuillard, Vallotton, Toulouse-Lautrec… Elle accueillait les collaborateurs de son mari chez elle, à Paris, comme à la campagne, leur tenait compagnie ou leur jouait du piano. Ils étaient tous amoureux d’elle.
Etait-elle réellement la reine de Paris, comme la surnomme l’exposition?
C’est vrai qu’elle est tout d’abord une simple muse pour ces artistes, mais elle devient bien plus. Elle est une sorte d’aimant, a un charme magnétique sur eux. Lorsqu’elle change de mari en 1905 et épouse le richissime Alfred Edwards, elle devient alors réellement la «reine de Paris». Mondaine et riche, elle invite le Tout-Paris de l’avant-guerre et des années folles dans son salon. Tout chez elle devient alors une référence dont il faut s’inspirer: son style, la décoration de son appartement… Elle rencontre d’ailleurs Coco Chanel à cette période, qui devient son amie la plus proche dès 1916.
Aurait-elle pur devenir ce qu’elle a été sans l’aide de son premier mari, Thadée Natanson?
Non, c’est certain. Ce sont ses différents mariages qui lui ont donné son pouvoir. C’est grâce à son deuxième mariage notamment qu’elle a les moyens d’entretenir et soutenir ces artistes russes qui l’entourent, en dépensant la fortune d’Alfred Edwards.
Comment définir le style de Misia, à travers les différentes œuvres?
Sa silhouette et son visage changent beaucoup à travers les peintures : elle suivait beaucoup les modes à cette époque où tout bougeait très vite. Elle se coupe par exemple les cheveux et adopte le style de Coco Chanel lorsqu’elles deviennent amies. Il y avait chez elle peu de constance, mais il est fascinant de voir comment chaque artiste la percevait à travers leurs œuvres.
«Misia, Reine de Paris» jusqu’au 9 septembre 2012 au musée d’Orsay, 62 Rue de Lille, Paris 7ème. http://www.musee-orsay.fr/
Alice Bouleau

Anonyme, Misia Natanson en robe noire, 1896-1897. Archives Vuillard, Paris

Édouard Vuillard (1868-1940), Misia Sert et sa nièce Mimi Godebska. Les Tasses noires, 1925 (retrava Photo Roy Fox