Pierre Molinier, maître du vertige

Les archives Pierre Molinier sont exposées à la MEP à Paris, du 9 au 13 novembre, elles seront dispersées à Drouot le 14 novembre prochain. 28 collages inédits, 15 découpages, 20 peintures et dessins, 30 photomontages, sa correspondance avec Ernest, chausseur à Pigalle, comptent parmi les trésors de cette vente aux accents surréalistes et fétichistes.

"Comment le paria aurait-il pu imaginer qu'une place porterait son nom aujourd'hui à Bordeaux?"  se demande Jean Luc Monterosso, président de la Maison Européenne de la Photographie, qui accueille jusqu'au 13 novembre les archives de Pierre Molinier, dispersées à Drouot le 14 novembre par Christophe Joron-Derem.  "De Robert Combas à Anish Kapoor et à Richard Prince l'oeuvre du Chaman suscite la même ferveur…" Quarante ans après son suicide, Pierre Molinier aimante toutes les fascinations. Celui que Frédéric Beigbeder considère comme "le facteur cheval de la jarretelle", acquiert depuis quelques lustres un titre posthume, magnétisant les collectionneurs dans les ventes aux enchères, avec un record du monde établi en 2015 pour le photomontage "L'enfant Homme" estimé ici entre 15 000 et 20 000 euros.  Dans le magnifique catalogue de 160 lots, figurent des fouets et des fauteuils, et même un reliquaire contenant un Olisbos confectionné par Molinier avec des bas de soie enroulés autour d'un tuyau d'arrosage. On se dit qu'on aurait presque préféré que le cabinet de curiosités ne tourne pas à l'inventaire notarial. La dispersion par les ayant droits suscite parfois un malaise, surtout au lendemain de la fermeture du Musée de l'Erotisme. Tant de harnachements ne peuvent résumer la singularité d'un homme qui aimait dire: "Une oeuvre d'art implique une présence, elle est le rayonnement matérialisé de l'Indicible". Ces regards de poupée demeurent sa signature. Parmi les lots plus étranges, cette photo le montrant de dos, avec sa sacoche toujours remplie d'un révolver. Il habitait 7 rue des Faussets. Son nom qui circulait sous le manteau s'auréole d'un parfum duchampien, ses photomontages avec ou sans godemichés, ses escarpins Ernest, ses cuisses velues à peine voilées, continuent de troubler, au nom d'une identité qui résiste à tous les pastiches, toutes les récupérations, toutes les improbables identifications. De la jambe bouquet, à tous les travestissements photographiques, nous voici à la MEP dans les coulisses du personnages, avec ses loups, ses voilettes, ses fesses offertes dans l'ombre d'un mystère, celui de l'artiste qui utilisait son polissoir pour lisser les feuilles d'or de certains de ses tableaux, et affirmait en 1956 : "Nous sommes le secret". 

www.drouot.com vente Archives Molinier, le 14 novembre. www.mep-fr.org. exposition du 9 au 13 novembre 

 

 

 

pm03.jpg Pierre Molinier, Gog et Magog, 1968, collage original, estimé entre 6000 et 8000 euros. www.drouot.com,www-derem.fr