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CELINE EN MAJESTE

Pour son défilé automne-hiver 2019, le deuxième chez Celine, Hedi Slimane réaffirme son goût pour le clacissisme en le twistant d’inspirations brit. Une vraie garde robe d’absolus. Pari réussi.

Un défilé comme une réplique à tous ceux qui l’attendaient, les poings serrés, les mâchoires tendues, la haine bien tapie. Une leçon d’allure, trenchs, cabans, pulls marins, jupes culotte et pantacourts, jeans et pulls irlandais, robes chemisiers, soie fluide et reflets mordorés au dessus d’un automne parisien, gamme de verts bouteille et de bordeaux, de camel réhaussés de lumière. Une ballade au Luxembourg, rive droite rive gauche, le Pont Alexandre III. Des shetlands couleurs de brume, des capes d’alpaca et des blousons d’aviateurs… Hedi Slimane a cette manière de redonner de l’élégance à l’idée de confort, de faire scintiller le Harris tweed avec des paillettes transparentes, en jouant, comme s’il retrouvait le questionnaire de Proust, les dimanche des années Sieff, Rampling et Deneuve, sans nostalgie, juste par affinité. Prendre tout son temps, perdre tout son temps, quelque chose comme un air de Sagan flotte dans l’air soudain apaisé. Cette femme Celine qui était devenue l’expression accomplie de l’abstinence,  il lui redonne des courbes sans perdre la ligne, trace sous des pardessus d’homme l’esquisse d’une promesse, la possibilité d’une rencontre.  Belles de jour et de nuit. Hedi Slimane retourne son public comme il retourne la peau des parkas souples et construites à la fois, l’air de rien et de tout, pour les froids qui n’en sont pas, des bottes cavalières et le sentiment que tout Paris est là, dans la réinvention de la flâneuse, de cette liberté sans apprêt et sans appât, cette sophistication naturellement affranchie de tous les poncifs du moment. Une palette de sentiments. Une vraie leçon de style à l’usage de tous ceux qui s’accrochent à des images, à des répliques, et cherchent à reproduire un passé qui n’existe. Parce qu’il s’agit de désir plus que de panoplies. Rien ne crisse, tout se déploie dans l’aisance d’une allure bien sûr nourrie de références à Yves Saint Laurent, mais filtrées, retravaillées, réinterprétées, comme des notes sur une partition, une musique familière, partagée, complice, retrouvée. Un charme passager, éternel. Une manière de trouver son la, de poser des accords, de faire jaillir des notes en liberté. Là, on a pu le sentir dès l’entrée, il y avait comme vaporisé dans l’air, un parfum. Un parfum Celine sans doute, le premier à venir.