DES MOTS DANS TOUS LES SENS

L’alphabet revient hanter la mode qui remet à l’honneur les mots

Tout montrer sans rien laisser voir, c’est ce qu’évoquait Honoré de Balzac dans la Théorie de la Démarche.  La mode est faite de messages, et c’est tout naturellement que Julie de Libran l’a rappelé, lors des premières minutes du show organisé aux Beaux Arts qui commençait par une série "hommage", avec des  pulls noirs imprimés d’une lettre, formant “SONIA RYKIEL FOREVER” (photo ci dessus) Chez Dior, Maria Grazia Chiuri a remis à l’honneur les tee shirt blancs,  sur lesquels on pouvait lire par exemple, FEMINIST.A part cela, elle a su prendre à bras le corps une maison, y injecter des désirs, des envies, irréductibles à un slogan.  La mode à force d’avoir été vue, revue, n’en finit pas de surexposer son propre vide, de démagnétiser tous ses ressorts. Même chez Dolce & Gabbana, on tient à broder le mot JAZZ, et à imprimer le mot VINO sur une carafe, dans ce qui ressemble à une tournée gastronomique en 83 silhouettes, avec ses robes à gelati en cornets, et d’autres à motifs spaghetti. On dirait que la mode dissimule sa propre disparition par des mots, des images qui ne veulent plus rien dire, par des formules déclinables dans toutes les langues, mais vidées de leur sens. Comme dans un  Starbuck où les livres sont les figurants d’un décor de café authentique sans l’être,  La mode distribue ses gobelets jetables sous forme de silhouettes. Que signifie le FUTURESEX de Paco Rabanne sur une tenue qui n’est pas sans rappeler un burkini version cosmique, pour expédition dans l’espace interchangeable et aseptisé? 

L’automne 2016 est bien celui de l’impudeur et de la pudeur. Les mots, ils sont là, en pagaille. Dévoilés, mis à nu, à l’image des perles de Loïc Prigent  dans “J’adore la mode, mais c’est tout ce que je déteste”. (Grasset).  Proposés comme l'alphabet ultime chez Lancel, où les mots s’imposent à l’heure du sur mesure: marquage à chaud pour une personnalisation, la lettre est l’emblême d’un nouveau luxe, celui du ceci est à moi et à personne d’autre.. Pourtant, ce qui ressort de cette saison, c’est précisément un vrai point d’interrogation.A moins qu’il ne s’offrent sans retenue.  Des mots pour déshabiller une intimité? Que dire des 1200 lettres à Anne, écrites par François Mitterrand à sa maîtresse Anne Pingeot, et publiées cette semaine par Gallimard? Ces lettres mettent en   lumière, selon Jérôme Garcin, un François Mitterrand écrivain, « qui fut notre dernier président à vénérer la langue française, user du subjonctif passé, connaître le chromatisme des métaphores et pouvoir écrire, comme ici, de vibrants poèmes d'amour, elle corrige, en le réévaluant à la hausse, en lui ajoutant soudain un tremblé inédit, le portrait doré à l'or fin du monarque florentin, volage, infidèle et cynique ».  Pour revenir à la mode, aurait-il écrit les mêmes lettres à sa maîtresse si elle avait porté cette robe « Futuresex » ? Chérissons le silence, s’il en est, et réservons aux mots les pages qui les honorent. On n’a pas toujours envie d’avoir le prix d’un produit qu’on met sur la table.  

 

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La personnalisation à l’honneur chez LANCEL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La personnalisation de la maroquinerie chez Lancel