Claire Gibault: »Nous, les femmes, sommes très exposées »
Claire Gibault est chef d'orchestre. Pionnière, elle a été la première femme à diriger le célèbre orchestre de La Scala de Milan. Elle est l'auteur de "La Musique à mains nues : Itinéraire passionné d'une femme chef d'orchestre". Claire Gibault a également été député européenne. Militant pour un féminisme moderne, elle se bat pour accorder aux femmes les mêmes chances de réussite que les hommes. Elle a ainsi été membre de la commission du Droit des femmes et de l’égalité des genres au Parlement européen. C'est pour cela qu'en 2010, elle crée le Paris Mozart Orchestra, un orchestre de quarante musiciens à parité qui défend la mixité. Avec la volonté d'ouvrir la musique, Claire Gibault organise avec son orchestre des concerts dans les écoles, les hôpitaux ou encore les prisons.
Y a-t-il des instruments « féminins » ?
Aucun instrument de musique n’est féminin en lui-même. Il y a eu, il est vrai, une tradition de réserver aux femmes la harpe, considérée comme plus élégante et charmante au sexe féminin dans les salons. Quel stéréotype ! Aujourd’hui, il y a de plus en plus d’hommes harpistes. De même pour les instruments dits « masculins », censés demander de la force physique. Mais le trombone, ou encore la trompette se féminisent. Le monde de la musique est malheureusement très conservateur et lent à se moderniser. Dans l’orchestre que j’ai créé, l’ambition est justement de décloisonner. A titre d’exemple, une femme est aux timbales, deux autres contrebassistes. Aux critères d’excellence artistique, j’intègre des critères de parité, je regrette qu’aucun orchestre ne fasse attention à cela. Je ne veux pas exclure les hommes, mais il faut que chacun ait sa juste place.
Votre tenue de concert idéale ?
C’est un costume-pantalon noir Giorgio Armani, fluide et élégant, qui m’a coûté très cher ! La veste est longue, presque similaire à un manteau, bien au-dessous du genou. J’aime cette tenue : elle lie à la fois le féminin et le masculin. Sur scène, je veux me présenter en tant que personne et non comme un être sexué. Je choisis cet ensemble pour les grands concerts, comme au nouvel an, pour le chic de son revers smoking. C’est mon costume fétiche, je le porte depuis dix ans et c’est toujours le même plaisir.
Une mauvaise expérience vestimentaire ?
Oh oui, une épreuve traumatisante… dont je me suis tout de même remise aujourd’hui ! Mais qui est à l’origine de mes choix vestimentaires lorsque je dirige un orchestre. J’avais 17 ou 18 ans, je participais à un cours de direction d’orchestre donné par Franco Ferrara, un stage d’été organisé en Italie. A l’époque, pour les jeunes filles, la mode n’était pas au pantalon mais à la jupe. J’étais ainsi habillée de manière estivale, et bien sûr en jupette. Voilà que mon tour arrive, je monte alors sur l’estrade. Sur le coup je n’ai pas compris : tous les garçons du stage se sont installés au premier rang. Après mon passage, le maître m’a dit : « Mademoiselle, la prochaine fois, écartez moins les jambes. » C’était un cauchemar, je ne savais plus où me mettre… C’est pour cela que dorénavant, je ne porte jamais de jupe ou de robe devant un orchestre, je prends mes précautions !
Un conseil à donner à vos collègues féminines ?
C’est un élément à prendre en compte, les jeunes femmes doivent faire attention à ne pas porter une veste trop courte. L’effet est immédiat, le public va se focaliser sur autre chose que la musique, si vous voyez ce que je veux dire… De dos, nous, les femmes, sommes très exposées.
Prochains concerts: le 27 mars au Conseil économique social et environnemental à Paris et le 3 avril au collège de Grassicourt à Mantes-la-Jolie. En juin 2012 à la maison d’arrêt de Fresnes et juillet à la Comédie française.
Interview Céline Hussonnois Alaya