Corinne Herrmann:  »Les femmes sont davantage vues comme des victimes que comme des agresseurs »

Avocate et criminologue, Corinne Herrmann traque les tueurs en série. Sa spécialité: les crimes de sang et les disparitions. Elle a travaillé sur les affaires Emile Louis ou encore Michel Fourniret. Mais du côté des victimes. Car elle met un point d'honneur à ne pas défendre les criminels. Spécialiste des cold case, Corinne Herrmann travaille sur ces dossiers anciens non résolus, comme actuellement sur la disparition d'Estelle Mouzin. Si bien souvent les victimes sont des femmes, Corinne Herrmann remarque que la société accepte difficilement qu'elles soient aussi des criminelles.

Tueur, une spécialité masculine ?
Il y a des dossiers non résolus pour lesquels on se demande rarement si le tueur pourrait être une femme. Dans ce domaine, elle sont très souvent sous-estimées. Le premier réflexe des enquêteurs est toujours de profiler un homme. Il est vrai que dans notre société, les femmes restent encore les premières à être victimes de violences. C’est sans doute, entre autres, pour cela qu’elles sont davantage envisagées comme des victimes que comme des agresseuses.
Des pratiques criminelles féminines ?
Pour tout ce qui n’est pas passionnel, sous le coup de la colère, les femmes ont une autre façon de fonctionner, et cela peut-être beaucoup plus violent. D’abord, elles vont approcher la victime différemment. La mise au point de stratagèmes va permettre de compenser une moindre force physique. Une femme n’empoignera pas un homme dans la rue. C’est pour cela que la préméditation est assez fréquente. Son acte est préparé, tout comme son rôle de victime. Par ailleurs, elles dissimulent leurs actes. Une femme qui tue à coups de couteau, c’est rare. Elles vont plus facilement empoisonner, un moyen qui peut sembler doux en apparence, immobiliser leur victime ou faire appel à une aide extérieure. Elles savent très bien instrumentaliser quelqu’un. C’est l’hybristophilie, le syndrome Bonnie et Clyde, ces femmes qui se servent d’un homme pour assouvir leurs penchants criminels. Dans l’affaire Fourniret (violeur et tueur en série condamné à perpétuité pour 7 meurtres, ndlr), j’ai vite compris que son épouse Monique Olivier (accusée de complicité et condamnée à perpétuité, ndlr) n’était pas une victime mais bien plus qu’une complice, une tueuse. Elle aurait pu interrompre la série, elle y trouvait son plaisir.
Des inégalités homme-femme dans le crime ?
La violence féminine est très peu connue. On ne sait pas repérer ces criminelles et on ne sait pas non plus les juger. Une femme, même coupable, sera toujours victime, d’un homme ou de son vécu. On lui trouvera des raisons de tuer. Mais un homme n’aura pas les mêmes circonstances atténuantes. A acte égal, les femmes sont moins lourdement condamnées que les hommes. Pourtant, les femmes ne sont pas que des victimes. Il faut leur reconnaître ce qu’elles peuvent aussi être, c’est-à-dire des criminelles. Et accepter que les femmes soient aussi violentes que les hommes.
Interview Céline Hussonnois Alaya