La ballade de Marianne

Celle qui a chanté Mick Jagger, Tom Waits ou Kurt Weill fête les 50 ans de son premier titre cultre, "As Tears Go By". Et en profite pour sortir un nouvel album, "Give My Love To London", ainsi qu'un livre de portraits, "A Life on Record", en attendant un concert à l'Olympia le 20 novembre. Marc Lambron a rencontré Marianne Faithfull pour Stiletto.

Nous sommes en 2014. Vous souvenez-vous de la petite fille que vous étiez ?
"On dit que l’Angleterre était très ennuyeuse dans les années 1950, mais ma vie ne l’était pas. Mon père, parfait germanophone, avait servi comme espion pendant la guerre. Bien des années avant Summerhill, il dirigeait une école expérimentale. Ma mère, ancienne danseuse, était devenue professeur. L’argent n’était jamais la question chez nous, on se préoccupait plutôt d’éducation. Je lisais Winnie l’ourson, Le Livre de la jungle, puis je suis passée à William Blake et Oscar Wilde vers ma douzième année. J’étais une petite fille assez sophistiquée, comme un modèle de Balthus."

Votre vie a pourtant été affectée par le divorce de vos parents?
"Mon père l’a surmonté, mais ma mère en est restée très désespérée. J’aurais aimé ne pas lui infliger ce qui a suivi. Elle voulait que j’aie un statut social respectable. Sans avoir cherché le succès, tout est arrivé trop tôt, j’étais beaucoup trop jeune, je suis tombée enceinte, Mick Jagger est apparu dans ma vie. Parmi les gens que j’ai rencontrés, j’aimais Paul McCartney, Jean-Marie Périer, Keith Richards qui est devenu un ami très proche, mais c’était au milieu d’un nœud de vipères et dans une atmosphère de blâme public."

De blâme public?
"Les choses ont mal tourné lorsque la police a fait irruption dans la maison de Keith Richards, Redlands, où l’on était sous l’emprise de la marijuana et du LSD. Si les Beatles avaient été là, cela aurait été différent, mais avec les Rolling Stones, j’ai été clouée au pilori comme une icône maléfique. Mon amie Yoko Ono pourrait vous raconter comment on diabolisait alors certaines jeunes femmes, c’était d’ailleurs pire pour une Japonaise. On a senti que la société que nous refusions voulait nous briser."

Comment brise-t-on Marianne Faithfull?
"Par la distorsion. À cause de mon allure et de ma chevelure blonde, on me cataloguait haute société, alors que je suis une germano-juive avec une empreinte Mitteleuropa, ce qui m’a plus tard porté à interpréter les chansons de Bertolt Brecht et Kurt Weill. Au début des années 1970, une certaine presse m’a contesté le droit de reprendre Working Class Hero de John Lennon, alors que je connaissais très bien, comme lui, les fractures induites par le système des castes britanniques. J’étais beaucoup plus étrange que mon apparence ne pouvait le laisser supposer."

… La suite de l'entretien de Marianne Faithfull par Marc Lambron, à retrouver dans Stiletto, en kiosque actuellement.

Marianne Faithfull, Give My Love to London (Naïve)
A Life On record, de Marianne Faithfull et Salman Rushdie, à paraître le 21 octobre chez Rizzoli
Concert le 20 novembre 2014 à l'Olympia.

A lire, Tu n'as pas tellement changé, de Marc Lambron, aux éditions Grasset.

mariannefaithfull_p055tom-smith001.jpg Marianne Faithfull, portrait de Tom Smith tiré de l’ouvrage « A Life On record ».