CHARLES SEVIGNY LE CENTENAIRE BIENHEUREUX

A 100 ans et deux jours, Charles Sevigny célèbre la vie avec humour. Et le prouve à l'occasion de l'interview qu'il nous a accordée à Tanger, à l'occasion de l'exposition que lui consacre jusqu'au 8 septembre The Tangier American Legation: "Charles Sevigny , An American Abroad. La célébration d'un métier, autant que d'un art de vivre et de la transmission: l'esprit de ce fameux "New look" design movement" que définit John Davison, directeur du Talim (Tangier Amerian Legation Institute for Moroccan Studies), dans la préface du catalogue publié pour l'évènement.

Il est quand même assez rare de se voir souhaiter son anniversaire par Farah Dibah, tout en se souvenant de Barbara Hutton, Hubert de Givenchy, Barbara Hutton, Paul et Bunny Mellon qui comptèrent parmi ses clients et amis. Charles Sevigny est un trésor vivant. Le trésor de Tanger. Dar Zero, l'ancienne maison du gouverneur au dix septième siècle, est le lieu où il vit depuis dix ans, entouré de six fidèles serviteurs. Une maison où Samuel Pepys aurait écrit son journal sous le figuier du patio. Né à Worcester (Massachussets) en 1918,  Charles Sevigny a endossé l'uniforme américain pendant la Seconde Guerre Mondiale, qu'il a vécue en France, en Belgique, en Allemagne.  Sa vie est un roman,  les figures cultes de Lady Mendl, Van Day Truex (le directeur de la Parsons School of Design) y croisent celles de Christian Dior, "un monsieur formidable" rencontré grâce à Victor Grandpierre. En témoignent ces dessins représentant la façade du 30 avenue Montaigne dans l'esprit néo Pompadour chéri par le décorateur et le couturier. Restent Marcel Breuer (pour l'Ambassade Américaine à la Haye), et bien sûr Yves Vidal, Président de Knoll International France,  avec lequel il fait du Moulin des Corbeaux, en France, et du York Castle, à Tanger, deux purs bijoux de l'architecture intérieure:  avec lui, les sièges Tulipe de Saarinen jouxtent les boiseries néo classiques, dans un équilibre subtil, ponctué de touches de lumières indirectes.  Le rendez vous est pris (merci@arielderavenel, @marcoscarani) à Dar Zero, dans la lumière d'un matin neuf de la Kasbah. Ce jour là, Charles Sevigny porte une chemise rose pale, un foulard blanc autour du cou, un autre en écharpe sur sa veste de coton encre, et s'apprête comme chaque matin à aller marcher sur la Corniche de Tanger, avec son chapeau de paille et sa canne.  Son petit déjeuner est servi: café noir, un quart de banane avec une datte écrasée et un laitage. Il est comme notre grand père" dit Marco Scarani, qui a littéralement été "choisi" avec Jamie Creel pour acquérir cette maison, perpétuant ainsi l'esprit d'une ville cosmopolite, où le goût de l'Orient mâtiné d'influences moderniste rayonne dans l'harmonie. Avec en point d'orgue, cet anniversaire dont Madison Cox aura été un exceptionnel maître d'oeuvre, dans la fidélité à une histoire en mouvement.

Qu'est ce qui vous rend le plus heureux ?

J'ai cent ans et deux jours et encore toute ma tête. Et des chèques à signer. La plupart des gens à mon âge sont dans des institutions, les enfants ne viennent pas les voir. Ma chance est d'être entouré de ceux que j'aime.

Quel est votre motto?

Simplicité, simplicité .  J'ai été très influencé par Jean Michel Frank, un immense décorateur. Mais la simplicité s'apprend. Il faut avoir des maîtres, il faut être inspiré par ceux qu'on admire. C'est le secret.

Comment vous définissez vous?

I am a left over past hero.

Votre rituel quotidien?

Je marche tous les matins. Bien sûr, je me fatigue plus vite. Je fais comme je peux.

Votre arme absolue?

L'humour. J'ai toujours réussi à trouver quelque chose d'amusant, même quand la vie n'a pas été drôle. Je pense en particulier à la guerre. 

Qu'est ce que l'élégance?

L'élégance, on l'a ou on ne l'a pas. Elle se voit dans les yeux, dans le mouvement. C'est une attitude.

Un dernier mot?

"Je ne regrette rien", comme disait Edith Piaf, que j'ai connue, une fille très simple, extraordinaire. J'ai fait quelques bêtises, mais peu. Je n'ai jamais fait de mal à personne, peut être que j'ai fait du mal, mais je ne le savais pas. J'essaie d'être correct.