Catherine Vidal:  »Il y a plus de différences entre les cerveaux de personnes d’un même sexe

Catherine Vidal est neurobiologiste, directrice de recherche à l'institut Pasteur. Elle se consacre également à la vulgarisation scientifique, en particulier sur les liens entre genre, sexe et cerveau. Pour cette scientifique, pas de déterminisme biologique dans la place des femmes et des hommes dans la société.

Le cerveau a-t-il un sexe ?
La réponse scientifique est oui et non. Oui, car le cerveau contrôle les fonctions associées à la reproduction. Non, car en ce qui concerne les fonctions cognitives -c’est-à-dire intellectuelles, liées à la mémoire, à l’attention, au raisonnement- c’est la diversité entre tous les cerveaux qui l’emporte, que l’on soit homme ou femme. Les différences entre les cerveaux de personnes d’un même sexe sont plus importantes qu’entre les deux sexes.
Est-il programmé dès la naissance ?
La découverte de la plasticité cérébrale, c’est-à-dire cette capacité du cerveau à fabriquer en permanence de nouvelles connexions entre les neurones en fonction de l’expérience vécue et de l’apprentissage, a révolutionné notre vision du cerveau. Grâce aux nouvelles technologies de l’imagerie cérébrale, comme l’IRM, on a montré que les interactions avec l’environnement jouent un rôle majeur pour façonner le cerveau. Il y a 7 milliards d’individus sur Terre, ce qui signifie 7 milliards de personnalités différentes et donc 7 milliards de cerveaux différents.
Les maths réservées aux garçons et les poupées aux petites filles ?
A la naissance, les cerveaux des bébés filles ont les mêmes potentialités que ceux des garçons. Pourtant, les idées reçues sur les garçons « naturellement » doués en maths et les filles bonnes en langues persistent. Il y a hélas un décalage entre les connaissances scientifiques sur le cerveau et la perception du grand public. La persistance des stéréotypes sexués est un sujet de société, ce n’est pas qu’une question scientifique, elle est aussi historique, anthropologique et culturelle.
En quoi le comportement d’un être humain est-il déterminé par la biologie ?
Chez les animaux, l’action des hormones sexuelles sur le cerveau est nécessaire pour déclencher l’accouplement. Sexualité et reproduction vont ensemble. Par contre, l’être humain échappe à ce déterminisme. Le fonctionnement des organes sexuels est lié aux hormones, mais pas le moment des rencontres, ni le choix du partenaire. Ainsi, les homosexuels n’ont pas de problèmes hormonaux. Les délinquants sexuels ne fabriquent pas des taux excessifs de testostérone. Si nous échappons à la loi des hormones, c’est grâce au cortex cérébral qui supervise tous nos comportements, y compris les comportements instinctifs: faim, soif, reproduction. Par exemple, l’être humain peut décider de faire la grève de la faim. L’évolution a doté l’Homo sapiens d’un cerveau unique avec le cortex cérébral qui est dix fois plus développé que chez le singe. C’est ce cortex qui a permis l’émergence des capacités de langage, de conscience, de raisonnement, d’imagination, pour finalement permettre à l’être humain d’acquérir la liberté de choix dans ses actions et ses comportements.
Le cerveau évolue-t-il durant la vie ?
Une avancée majeure des recherches en neurobiologie est d’avoir révélé l’extraordinaire capacité de plasticité du cerveau, qui, à tous les âges, permet d’acquérir de nouvelles compétences, de changer d’opinion, de style de vie. L’idée d’un déterminisme biologique qui cadenasse l’être humain dans des cases dont il ne peut plus sortir n’est plus défendable. Rien n’est programmé depuis la naissance, rien n’est figé dans le cerveau. C’est un formidable message d’espoir.
Interview Céline Hussonnois Alaya