FREDERIC MITTERRAND AU STUDIO MARIGNY

« Bonsoir »: pour la première fois, Frédéric Mitterrand est en scène, lit ses propres textes au Studio Marigny, à Paris.  Beaucoup d’émotion et de passions réunies, le temps d’une autobiographie magistralement réinventée par une présence. « J’aime lire à haute voix… ». Bouleversant.

Pour tout décor, un écran sur lequel les images se mêlent, un scrap book réalisé par Pierre Le Tan. Frédéric ne porte pas d’autre costume que le sien, celui d’un amoureux des mots et des images qu’il aurait choisi de ranger pour les faire partager à voix haute: « La lecture est un plaisir silencieux, la faire partager à un auditoire est une aventure. Il s’agit d’être fidèle aux intentions de l’auteur et de respecter attentivement son style ». Son style, ce sont  ces souvenirs organisés en une sorte de chambre d’échos modianesque où Adriano Celentano croise l’Amoureuse de Tunis, le petit Kuhn,  son Silberman. Des histoires d’amour, d’amitié, cette mélancolie joyeuse qui est la sienne, tant ses phrases restent suspendues dans l’air rouge et noir de la petite salle du théâtre Marigny dont il fait un salon.  « Bonsoir », c’est l’histoire d’une jeunesse qui défile sous nos yeux et dans la voix de l’ancien ministre de la Culture et de la Communication,  celui qui n’a jamais sacrifié ses passions kaléidoscope aux honneurs. Destins et chagrins forment les plus beaux couples de son histoire, de la « vindicte inhumaine des gosses de riches » à l’aveu de l’homme rompu à l’exercice du pouvoir, mais animé d’un détecteur d’apparatchiks :  » Il n’est de pire bourreau que celui que se cache dans la masse ».  Sa voix est celle de « ‘l’adolescent renfrogné » qu’il fut à Janson-de-Sailly, dans son blazer Mamby et son pantalon de flanelle gris… « Le fait de s’aimer n’oblige pas à se comprendre ». Le voici qui raconte, se raconte en lisant, en levant la tête, révélant son premier rôle d’acteur, il n’avait que quatorze ans dans Fortunat d’Alex Joffé. Frédéric Mitterrand est né en août 1947, l’année du new look, d’emblée il nous fait partager la chaleur de cet été là,  le triangle impossible formé par son beau père, puis le nouvel amant de sa mère,  rien n’est jamais de l’ordre de la télé-realité, tout est composé avec une élégance faite de retenue et d’abandon. Qu’il parle des macs à cravate de soie, de Viviane Romance,  d’une villa fantomatique de la côte d’Azur, ou d’un caravansérail brejenvien, chaque chose vue, ressentie, compose une sorte de fresque, dont le sujet principal n’est pas l’objet peint mais le regard. Tout redevient présent, au delà du clair obscur de la mémoire, et des fax effacés: la DS de Gaulle, la première mini noire pour draguer, la rue Saint Anne, Françoise Hardy, le ciel nuageux de novembre. Bonsoir. Une signature sonore. Cette manière qu’il a de contenir en lui la France et le Sud, l’automne et la lumière, d’être l’agnostique capable de tous les émerveillements.   Si son documentaire sur Christian Dior (Dior la France, 2017), le révèle autant que l’adaptation de Madame Butterly à l’opéra, ses documentaires sur la monarchie, Fairouz, ou Farah Diba,   Frédéric Mitterrand dessine ici une nouvelle cour de récréation, l’espace lointain et proche des affinités électives, extraits de « La Mauvaise Vie » (2005), le Festival de Cannes (2007), « Une adolescence » (2015),  « Mes regrets sont des remords » (Robert Laffont, 2016) . Pudeur des sentiments, confessions sur le fil, une bouleversante leçon de style.

Studio Marigny, Bonsoir. Frédéric Mitterrand. Mise en scène : Olivier Fredj. www.theatremarigny.fr jusqu’au 6 janvier 2019.