MARISA BERENSON, PARISIEN CABARET

Il y a une lumière dans ses yeux, dans la force avec laquelle elle empoigne son rôle, accompagnée de Sebastian Galeota,  de Stephane Corbin.  Lumière à vif , corps tendu et souple, présence absolue. Loin des splendeurs étoilées de Marrakech, de la jet set qui en a fait une icône, Marisa Berenson célèbre ses opening nights à Paris, dans ce Théâtre de Poche qui affiche complet, avec une reprise prévue une troisième fois au printemps prochain. Ce succès, c’est cette pièce créée pour elle, par Stephan Druet, avec des musiques mêlées de Stephan Corbin et de Kurt Weill..Smoking noir et veste militaire, avec des strass et des bas résille, sa chevelure et son regard bleu gris. Ce corps absolu qui s’est prêté à tous les objectifs, de Penn à Meisel, en passant par Avedon, se renouvelle dans la métamorphose, au plus près de lui même, tel un Burn Jones de l’entre deux guerres, une Orphée de Kirchner avec des bagues à tous les doigts. Son Die Brucke 2018. La voici, mère indigne, mère tenancière d’un cabaret à Berlin pendant la République de Weimar qui s’effondre, et dont elle chante la gloire des années perdues, broyées par le nazisme. Au delà de la mise en scène, dont elle évite avec brio les pièges liés sans doute à la promiscuité du lieu,  la voici, telle une funambule, suspendue entre le monde d’hier et celui qui vient, dont elle restitue avec une force expressionniste le meilleur d’elle même. Marisa Berenson, une et multiple, femme kaléidoscope, petite fille d’Elsa Schiaparelli, dont les apparitions cultes dans Barry Lindon de Stanley Kubrick ou Mort à Venise de Luchino Visconti, prend la parole comme elle prend la lumière, pour ne jamais déclamer, mais faire surgir du fond d’elle même, l’effroi et la fascination, la peur et l’éclat, le diable et la solitude enlacés jusqu’au bout, jusqu’à l’assaut final. Marisa Berenson fait éclore la complexité de cette mère indigne, victime et complice du totalitarisme, dont on comprend qu’il s’est tissé dans une série d’humiliations.  Sans jamais tomber dans la reconstitution d’un rôle qui aurait pu être volé à Marlène Dietrich ou Brecht, elle se révèle, dans la quintessence de son jeu, actrice, danseuse, chanteuse, défiant l’étroitesse d’une scène pour nous emporter très loin, du côté des rivages oubliés de la mémoire et du coeur.  Il y a quelque chose de très émouvant à voir une personnalité se dédier totalement à son rôle, dont elle décompose toutes les nuances, tous les sentiments, sans jamais se perdre dans un seul. A voir absolument.

Berlin Kabarett

@PocheMparnasse  jusqu’au 6 janvier et à partir de mars 2019