EN MODE FIDELE
Pour « l’Homme Fidèle », de Louis Garrel, Barbara Loison a habillé le réalisateur acteurs et les deux héroïnes, Lily Rose Depp et Laetitia Casta avec brio. De Truffaut à Sautet, l’esprit français triomphe dans cette garde robe aux couleurs des sentiments. Interview.
Deux forces inouïes. Deux histoires personnelles, que rien, pas même l’âge, l’une a 19 ans, l’autre à peine 40. Quoi de commun entre la fille ainée du couple Johnny Depp et Vanessa Paradis, et celle qui partage sa vie avec Louis Garrel, réalisateur de « L’homme fidèle », lui même acteur principal du film.. Lili, Laetitia, Louis, trois personnalités, trois rôles tendus comme des miroirs où se reflètent les bleus gris de Paris. Un ciel, une lumière d’esquisse, une joie teintée de mélancolie, l’âme du coeur peinte par Marivaux: « l’amour a ses expressions, l’orgueil a les siennes ; l’amour soupire de ce qu’il perd, l’orgueil méprise ce qu’on lui refuse ». (L’heureux stratagème). Des gestes qui collent à des attitudes, des situations. La styliste Barbara Loison, a été choisie pour habiller les acteurs. Une première pour celle qui signe de nombreuses séries de mode dans la presse (de Elle à Grazia), tout en sublimant les actrices au quotidien, pour leurs apparitions qu’elle concocte avec passion.
Comment avez vous travaillé pour la réalisation du stylisme? Moodboards? Textes?
Pour la préparation du film comme c’était une première fois, j ai travaillé comme je le fais d’habitude pour une série de mode. Mais au lieu de faire un moodboard d’ambiance général, j’ai opté pour un moodboard par personnage . Un projet évolutif, au fil des discussions avec Louis et avec Laetitia. Je me suis laissée porter par les personnages, j’ai proposé mon interprétation à Louis, j ai eu très peur, j’avais l’impression de tout recommencer à zéro alors que je fais des séries de mode depuis presque 20 ans. Je pense avoir eu de chance Pour cette première expérience de cinéma, ma chance a été de travailler avec des acteurs aussi inspirants que Laëtitia, Lily ou Louis. Ils ont cette culture mode et le sens du détail qui a fait que nouus nous sommes compris très vite.. Il était important de trouver des repères chromatiques et formels pour chacun, pour Marianne c’était le rouge, pour Lily, des bodies et pour Abel, tout se jouait sur la matière de ses pulls, très brute.
Quelles étaient les indications données par Louis Garrel, les références en termes cinématographiques?
Louis vous laisse travailler très librement en amont, tout en ayant énoncé au départ des références très claires, à commencer par François Truffaut, et son Domicile Conjugal. Ce qui vous force à chercher encore plus! En revanche quand il est présent aux essayages, il sait parfaitement qui est son personnage de manière très instinctive. J’ai travaillé en étroite collaboration avec le chef déco afin que nos couleurs se complètent harmonieusement.
Vous habillez depuis longtemps Laetitia Casta, quelle type de garde robe convenait à ce film?
Le plus dur pour moi a été de réaliser que je n’habillais pas Laetitia Casta mais Marianne. Laetitia m’a énormément aidée quant à la recherche du personnage, elle s’est beaucoup impliquée, m a expliqué sa vision. Je me suis beaucoup nourrie de tout ce qu’elle a pu me dire au moment où elle construisait elle aussi son personnage. Le fait de si bien se connaître nous a aidées l’une et l’autre à être très à l’ecoute l’une de l’autre. Elle m’a beaucoup soutenu au delà de son propre personnage, c’etait un vrai ping pong de visions et de poinst de vue sur les personnages. J’ai adoré. Dans ce trio amoureux elle incarne le rôle de la femme assumée et libre en opposition à Eve, qui sortant de l’adolescence est une femme en devenir avec toutes ses maladresses.Il fallait rendre Marianne crédible dans un ministère au delà de la beauté de Laetitia! Je me suis beaucoup inspirée de Romy Schneider dans les films de Claude Sautet.
Et pour Lily Rose, en quoi les vêtements ont ils permis de définir son rôle?
Pour Lily le travail était différent, il s’agissait moins d’une garde robe de composition, que de coller à son style dans la vie. Tout était sur un fil, Eve est une très jeune fille mais qui joue à être une femme de manière maladroite. Elle est encore habillée comme une ado dans toutes les scènes ou elle joue avec Joseph, pour avoir cette complicité entre eux et lorsqu’elle est avec Abel elle se mue maladroitement en séductrice. Mais tout est très subtil, il n’était pas question de la déguiser en femme fatale.
Qu’est ce qui distingue le travail de styliste sur un shooting de mode, et celui de costumière?
Ce sont deux manières d’aborder le vêtement très contradictoires: en mode, il faut sublimer une image, au cinéma, le vêtement est là pour servir un personnage.. En mode, on transmet un rêve. Au cinéma, tout doit avoir l’air vrai sans être ordinaire.. La phrase qui me reste en tête et que je me suis souvent entendu répéter est « un bon costume de cinéma est un costume qui ne se voit pas ». Dans une série de mode c’est la singularité du stylisme qui est mise en avant. Même si dans les deux cas les vêtements ne sont là que pour servir une histoire. Ce qui est intéressant c’est de pouvoir passer de l’un à l’autre, sans jamais se perdre, en apprenant toujours
Photo: Shana Besson pour Why Not production
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En salles le 26 décembre 2018.