QUAND LA MODE DEFEND LA LIBERTE

Moment de luxe ? La semaine du prêt à porter de l’hiver 2022 s’achève cette semaine, un peu irréelle. Les apparitions au premier rang ont sans doute quelque chose d’indécent, tant elles renvoient la mode à sa propre parodie, à un spectacle sans fin, entre selfies et prétention. Et pourtant on sent que quelque chose vacille. Moment de luxe quand Hermès, annonce la fermeture de ses magasins en Russie, que LVMH fait un don de 5 millions d’euros, et que même Zara se laisse entraîner. Pour dire non. Pour mettre à nu ce que nous ressentons. Il y a celles qui se déshabillent comme les Femen, découvrant leur torse sur l’esplanade du Champs de Mars. Il y a ceux qui continuent malgré tout de faire leur métier totalement siphoné par ce qui se passe.  Je pense au défilé de Demna Gvasalia, le directeur artistique de Balenciaga, au Bourget. Un dimanche de neige, et deux silhouettes surgies du brouillard, l’une jaune, l’autre bleue, renvoient les spectateurs à leur propre déni. Ce sont des flammes dans le blanc de l’oubli, des torches drapées. C’est le cri d’un homme né à Sokumi, en Georgie. « La guerre en Ukraine a réveillé la douleur et les traumatismes que j’avais en moi depuis 1993, lorsque que la même chose est arrivée dans mon pays natal et que je suis devenu un réfugié pour toujours»(…) J’ai pensé par moments à annuler le show pour lequel moi et mes équipes ont travaillé dur (…) Mais je me suis rendu compte qu’annuler le défilé reviendrait à se rendre, à se résigner face au mal qui m’a déjà tellement blessé pendant près de 30 ans.(…) Le défilé n’a pas besoin d’être expliqué. Il est dédié au courage, à la résistance et à la victoire de l’amour et de la paix »  Ce jaune et ce bleu sont devenus en quelques jours l’étendard d’un appel pour la vie, pour le respect de la liberté, des civils. Une drapeau couleur de ciel et de lumère pour dire non, celui que la mode a choisi de coudre sur cet hiver un peu sens dessus de sous. Tout avait commencé à Milan, avec le défilé en silence de Giorgio Armani le maestro, et ce lundi soir, c’est le suisse Kevin Germanier, qui ouvre sa présentation avec une minute de recueillement dans la salle de bal de Marie Laure de Noailles, chez Baccarat. Jamais sans doute, ce lieu où défilèrent Man Ray, Bunuel, Dali et tant d’autres, ne nous aura semblé aussi surréaliste qu’en cet hiver qui n’a pas commencé tarde à finir.